Page:Alletz - Discours sur la république de Venise.djvu/37

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furent une cause d’épuisement, comme ces remèdes trop actifs qui, excellents pour le corps en sa vigueur, sont mortels s’il est languissant. Au lieu de retrancher l’abus de la liberté, ces lois inflexibles en supprimèrent l’usage même. La noblesse cessa de se rendre illustre et devint odieuse ; les simples citoyens, en perdant leurs richesses, sentirent leur dégradation ; tout ce qui avait été utile pour fonder et maintenir la grandeur de la république, n’était plus d’usage pour prévenir ou retarder sa ruine. Le mauvais état des finances fit mettre les magistratures à l’encan.

Après avoir longtemps servi de lien entre l’Orient et l’Occident, Venise eut à soutenir le poids de ces deux grands empires. Sa situation dans le golfe Adriatique qui lui avait valu, grâce au commerce, le nom de Venise la dominante, fut cause que pressée à la fois par les Turcs et la maison d’Autriche, elle ne fut plus un jour que Venise l’humiliée. Une fois que les Vénitiens eurent à faire la guerre sur le continent, leur coutume de n’employer que des mercenaires pour soldats, et des étrangers pour généraux, devait leur être funeste. Leur grande faute, dans le malheur, fut de ne pas vouloir changer de maxime : toute discipline qui cesse de servir à la grandeur d’un État lui est bientôt une cause de ruine. Venise ne sut jamais dans ses conquêtes imiter Rome : elle voulait avoir des sujets, sans augmenter le nombre de ses citoyens.

C’est pendant la guerre de Candie que les Vénitiens perdirent le commerce du Levant dans lequel ils furent supplantés par les Français. Leur anneau nuptial cessa de tomber dans l’Adriatique, le jour où l’empereur d’Autriche Charles VI leur contesta le droit d’y entretenir seuls des bâtiments de guerre, et fit de Trieste un établissement de marine. Depuis cette époque, Venise se fait oublier en Europe