Page:Alletz - Harmonies de l’intelligence humaine, tome 2.djvu/243

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

238 Le joueur travaille à acquérir une certaine puissance sur lui-même dans le but, non de vaincre ses passions, mais de les cacher. Il exerce soit visage à demeurer impassible ; il fait un pacte avec ses yeux qui auraient pu trahir son émotion et il simule une parfaite indifférence au moment où il se croit prêt à saisir la fortune : c’est ainsi qu’il trompe et déconcerte les autres joueurs. Voilà le noble objet de tant d’efforts que fait son âme pour être maîtresse de ses mouvements (1). Semblable à l’homme qui, dans l’état d’ivresse, cesse d’être responsable de ses actions, il n’a plus ni conscience pour l’avertir, ni raison pour le guider, ni jugement pour choisir. Sa passion est long délire (2). Ne lui parlez pas du bonheur que procurent les liens de famille, les jouissances de l’esprit, la culture des beaux-arts ; il regarde le genre humain comme créé pour dormir le jour et jouer la nuit. Vous lui vanterez en vain le plaisir des voyages la seule distance qu’il aime à parcourir est celle qui sépare son logement de la maison de jeu. Vous perdriez votre temps à éveiller en lui l’ambition par la perspective des charges et des honneurs ; la

(1) Idée de puissance (2) Idée de justice