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Page:Alletz - Harmonies de l’intelligence humaine, tome 2.djvu/242

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237 Sa vie est, comme sa pensée livrée au vague et au désordre. Ses affaires sont la rivière qui fuit vers l’océan ; il les laisse couler sans les regarder. On ne dirait pas sa maison habitée par une créature humaine ; nulle trace d’ordre, d’habitude, de bon sens; son toit, qu’il oublie de faire réparer, demeure ouvert aux vents et à la pluie (I). Sa plus vive jouissance est l’incertitude il nage avec transport dans un doute mêlé de crainte et d’espérance ; pour lui, le bonheur de posséder n’est que dans la crainte perpétuelle d’être privé de ce qu’il possède. Il se rattache avec une certaine volupté à ce qu’il n’a pas perdu ; c’est, chaque jour, comme s’il héritait d’un nouveau bien. L’infini se cache sous ce travail de la pensée du joueur. Les chances du sort sont innombrables : le mystère qui les environne compose une nuit pleine de merveilleux, où l’on marche à tâtons vers la fortune ou la ruine. C’est ce doute, cette obscurité, cette agitation d’une roue où se mêlent tant de destinées diverses, qui offrent une ombre d’immensité a l’âme du joueur ; aussi, embrassant cette ombre creuse de l’infini, goûte-t-il d’affreuses délices dans l’anxiété qui le déchire (2). (1) Idée d'unite. ri) Idée d’infini.