338
on feint de se livrer à des projets ; on dispose de
l’avenir afin que ceux qui vous écoutent s’imaginent
vous apercevoir, comme vivant, dans un
temps qui pourra marquer celui où ils achèveront
de porter votre deuil. Quels sentiments nés de l’affection
qu’ils vous inspirent se pressent dans votre
cœur prêt à s’arrêter !
Si vous vous voyez sur le point d’être enlevé à
une famille à qui vous étiez nécessaire, vous
interrogez le ciel sur ce que vont devenir ces
objets bien aimés. La mort vous semble moins
impitoyable envers vous que pour eux ; vous
cherchez à la désarmer au nom de ces destinées
trop chères et tout bas vous implorez d’elle un
sursis. Qui dira toutes les émotions de l’amitié,
de la tendresse ou de l’amour aux prises avec
la mort ?
Si c’est loin de votre pays, de votre famille, de
vos amis que vous languissez, quelle tristesse dans
ces moments où, lorsque le présent vous échappe,
vous n’avez personne à entretenir de votre passé !
Aucun de vos regards ne peut suppléer à des paroles,
qui elles-mêmes ne seraient point comprises ;
nul visage chéri n’est là pour peindre à vos yeux
le souvenir ou l’espoir : la solitude du tombeau
vous environne d’avance ; et les serviteurs mercenaires
qui vous soignent n’ont d’autre intérêt à