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les correspondances, n’est pas de nature à inutiliser tant d’efforts soutenus (et au prix de quels sacrifices, chez nos pères surtout !) pour assurer à notre langue le rôle qu’elle a toujours rempli dans la conservation de notre caractère distinctif ? Allons-nous laisser angliciser chez nous toutes les sciences économiques en répétant sans réflexion qu’il faut être pratique, et qu’on ne peut l’être qu’en faisant litière de toutes nos ressources ethniques ? On l’a dit : Si les Anglais réussissent bien en affaires, c’est que, doués d’aptitudes propres à leur race, ils ont travaillé à être plus eux-mêmes. La Providence a ainsi doué chaque peuple d’un ensemble de qualités mêlées de défauts ; et c’est une loi de la nature que chaque race, comme tout individu, comme tout être vivant, ne peut atteindre la plénitude de sa valeur qu’en se développant suivant sa nature. C’est le seul moyen d’être “pratique”. On peut se perfectionner en imitant ce qu’il y a de bon chez les autres ; mais on ne peut que compromettre les plus belles qualités en copiant servilement ceux qui ont une nature différente.

N’aurions-nous pas raison d’appliquer à tout degré de notre enseignement ce qu’un député, M. Amédée Monet, disait de l’Université de Montréal : « Notre Université devra être canadienne-française ou elle sera incolore… Quand nous serons comme tout le monde, nasillant le credo du “How to make money,” nous disparaîtrons comme race distincte. » Et quand on a peine à accentuer notre formation propre dans les hautes sphères de notre enseignement, allons-nous en compromettre la base à l’école primaire ?

Une réaction s’annonce, disais-je plus haut ; un mouvement d’opinion qui ne peut que grandir, obligera peut-être avant longtemps et d’une manière plutôt forte, les éducateurs primaires de tout degré à revenir aux méthodes de la logique et du bon sens. Ce mouvement d’opinion, on le trouve à l’École des Hautes Études, chez des patrons forcés de constater le défaut de formation française et intellectuelle de certains gradués des académies commerciales. On en retrouve des indices non équivoques dans les communautés même des Frères enseignants. Les Frères du Sacré-Cœur ont senti le besoin d’éditer un manuel de comptabilité française, et y inscrivirent en préface ces paroles significatives qui leur font honneur : « Ce sera apporter notre contribution au mouvement — nous devrions dire à la lutte — qui se fait actuellement en faveur de la langue française. Il faut bien l’avouer, l’enseignement de la comptabilité, donné presque exclusivement en anglais dans les écoles de notre province, a certainement nui à notre parler national, en contribuant sa trop large part d’anglicismes : la source la plus féconde des anglicismes n’est-elle pas l’ignorance des expressions ou tournures françaises ? Puis, qui n’a entendu dire que l’anglais est la langue du commerce, que le français se prête mal aux exigences des affaires, surtout à la comptabilité ? Cette opinion aussi doit être mise au compte de l’ignorance : Il suffit d’un examen,