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nos journaux, à peu d’exceptions près, n’ont commencé à apprendre l’anglais — et quel anglais ! — qu’à treize ou quatorze ans !

Écoutez parler ce jeune bachelier qui sort du collège classique, où l’anglais ne lui a pas troublé les méninges, et demandez-vous si son français est meilleur que celui du diplômé des collèges commerciaux dont on dit tant de mal. Faites-lui écrire une lettre à un marchand français, et vous en verrez de belles !

En quoi le français de Mgr Ross diffère-t-il de celui des « bons frères, » que l’on rend responsables de tous les maux passés, présents et… futurs de la langue française au Canada ?

Non, réfléchissons un peu et nous nous rendrons compte que le peu d’anglais qu’on nous donne à l’école primaire et ailleurs, n’est pas responsable du charabia de nos journaux, ni du fait que nous avons besoin d’une douzaine de dictionnaires du bon langage et de multiples sociétés du parler français ! Le français est mauvais parce que nous ne le savons pas, parce qu’il n’est pas assez bien enseigné dans nos écoles et dans nos collèges, pendant le temps qui lui est consacré.

Au surplus, s’il faut, comme on le prétend, qu’un enfant possède l’esprit de sa langue maternelle et qu’il s’en soit assimilé le génie, avant de poursuivre la connaissance d’une 2e langue, Mgr Ross a tort d’enseigner l’anglais au cours primaire élémentaire, et tout ce qu’il dit des « bons frères » peut, lui être appliqué pour son programme d’anglais des 3e, 4e, 5e et 6e années. Si l’anglais est néfaste en 2e année — je ne le crois pas tel quand on l’enseigne intuitivement — il l’est autant en 3e et 4e années. L’enfant de la 3e année n’est pas plus prémuni contre les dangers que l’on signale à grand renfort d’appels patriotiques, que l’enfant de 2e année, parce que l’enfant de 3e année — même celui de 6e année — ne « possède pas encore convenablement la langue maternelle ». Veut-on me faire croire qu’il y a une cloison étanche entre les programmes de 2e année et de 3e année ? Veut-on me faire croire que l’enfant de 2e année possède l’ « esprit » de sa langue maternelle ?

Il est vrai que je n’y entends rien, depuis la semaine dernière moins que jamais. Pourquoi grand Dieu ! Wolfe a-t-il escaladé les falaises de Québec ? C’est lui le grand coupable et non les « bons frères » et leurs académies « commerciales. »

Venons au fait : « toutes les écoles académiques de garçons dans notre province sont des académies commerciales ». Ce n’est pas vrai. J’en appelle à Monsieur Magnan. Les écoles académiques sous le contrôle du Conseil de l’Instruction publique suivent le programme officiel de la province, et ce programme n’est pas plus commercial que scientifique : j’y trouve beaucoup de français — pas trop —, de l’anglais — assez —, toutes les histoires qu’on enseigne aux humanistes, la cosmographie, la physique,