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drait jaloux maint calligraphe. Vous êtes un oiseau rare, Docteur, lui dis-je un bon jour. — Comment cela ? fit-il. Votre écriture est magnifique et vous maniez très bien la langue anglaise. Vous conviendrez que les cours classiques produisent assez rarement, de tels phénomènes. — C’est bien facile à expliquer, me dit mon interlocuteur : mon père, homme très intelligent, m’a fait suivre un bon cours commercial chez les Frères avant de m’envoyer au collège classique. Les bornes pour celui-ci comme pour une foule d’autres n’ont pas été si étroites ».

Mais, revenons au « dépeuplement des campagnes. »

Quand un cultivateur envoie un ou deux de ses fils au collège commercial, c’est qu’il veut leur laisser le seul capital qu’il puisse leur donner : une bonne instruction qui leur permette de gagner honorablement leur vie à la ville, peut-être, mais AU PAYS, au moins. Comment veut-on qu’un cultivateur, père de cinq ou six fils et d’un plus grand nombre parfois — passât-il pour riche et le fût-il un peu — lègue à chacun de ses enfants un BIEN capable de faire vivre une famille, quand on sait qu’une terre et son « roulant » valent, dans les vieilles paroisses, de $15,000 à 20,000 ? Si ce père d’une nombreuse famille est un homme intelligent et s’il a quelques économies, les surnuméraires seront envoyés pensionnaires au collège classique ou au collège commercial, plutôt à ce dernier si on lui en laisse le choix, mais le plus souvent, au premier parce que conseillé par des intéressés. Par contre, s’il n’est pas « en moyens » il souhaite la fondation d’un collège commercial au village de sa paroisse. Ce ne sont cependant, pas les cultivateurs qui bâtissent et alimentent d’une nombreuse clientèle les petits collèges commerciaux des gros villages. Les Commissions scolaires pourraient le dire. La construction de tels collèges a pour conséquence ordinaire et quasi nécessaire la division de la municipalité scolaire de la paroisse en deux corporations distinctes : celle du village et celle de la campagne. Cette dernière se refuse de participer pécuniairement à la construction et à l’entretien du collège, parce que ce collège n’est pas pour leurs fils, qu’il n’est bâti que pour les messieurs du village et les gens de la ville qu’on y placera en pension. Voilà le fait.

Jamais la désertion des campagnes ne fut aussi intense que de 1865 à 1880 alors que des milliers et des milliers de nos compatriotes passèrent aux États-Unis. Quelle fut donc la cause de cet exode en masse ? Les collèges commerciaux ? Il n’y en avait pratiquement pas à cette époque.

Autrefois l’équilibre entre la population des campagnes et des villes se maintenait mieux parce que le surplus des campagnes prenait le chemin des États-Unis. Aujourd’hui, il se dirige plutôt vers nos villes. C’est un moindre mal, ce me semble, que celui de l’émigration. C’est au gouvernement, aux sociétés de colonisation, qu’il appartient de prendre les moyens de diriger une partie de ce trop plein des vieilles campagnes vers les terres neuves.