Le grand secret pour retenir les fils de cultivateurs à la campagne, ce n’est pas de fermer le collège commercial ou de changer son enseignement, mais, comme a dit sir Lomer Gouin, « de trouver des terres fertiles » à ceux qui n’en peuvent recevoir en héritage de leurs parents ; c’est d’encourager efficacement — la colonisation. Seuls les gouvernements peuvent le faire par la création d’un « budget de la colonisation. » On s’en occupe, d’ailleurs. L’honorable J.-E. Perreault, fondateur lui-même d’un collège commercial, a parfaitement compris la nécessité de ce budget, et il n’a pas fermé SON collège.
Ouvrons des écoles d’agriculture, puisque le besoin s’en fait sentir. Il n’est pas nécessaire, ni même utile pour cela, de fermer les académies commerciales. Ces deux écoles seront alimentées par deux clientèles complètement différentes. Les surnuméraires, et ceux qui n’ont ni les dispositions physiques ou morales, ni le capital voulu, ni la volonté d’embrasser la profession « des obscurs et glorieux travailleurs du sol » devront fréquenter comme avant le collège commercial.
Et vous, qui affirmez que le collège commercial est à coup sûr un plus grand agent de dépopulation que le collège classique, sur quoi étayez-vous vos affirmations ? Avez-vous fait des recherches avant de vous prononcer ? Vous êtes-vous enquis des faits ? Lisez avec attention les statistiques ci-dessous et cette démonstration intuitive vous dira lequel du collège commercial ou du collège classique dépeuple le plus nos campagnes.
M. Bourassa, missionnaire colonisateur, en une longue lettre adressée à l’« Action Catholique, » l’an dernier, déplorait l’émigration en masse de la région du Lac St-Jean vers les États-Unis. Est-ce la faute du collège commercial ? Ce n’est point l’opinion de l’abbé Bourassa.
Si cette région avait quelques bons collèges commerciaux, le surplus de la population irait d’abord dans ces institutions, puis dans nos villes canadiennes au lieu de franchir le quarante-cinquième comme « un troupeau maigre, fasciné par une maigre pâture. » (Olivar Asselin.)
Pour une paroisse où il y a un collège commercial, il y en a vingt où il ne s’en trouve point. Dans ces dernières, Comme remarque M. Amédée Monet, M.P.P., la désertion du sol est aussi accentuée que dans l’autre, avec cette différence que les « déserteurs » des vingt paroisses dépourvues de collèges commerciaux s’en vont grossir les rangs des hommes de chantier, des constructeurs de « lignes » de chemins de fer, des employés de manufactures, etc., etc.
Un de mes amis recevait, il y a quelques mois, une lettre qui disait : « Le Curé de notre village (un village tout neuf de l’Abitibi) prépare actuellement une douzaine d’enfants qu’il enverra au séminaire l’an prochain. » C’est très bien et très beau. Mais ce sera sans doute le collège commercial qui sera coupable du dépeuplement de l’Abitibi !