ment familiers avec le langage des Canadiens français ? « Voyez ces hommes instruits qui nous arrivent d’Angleterre, » disait l’autre soir l’honorable L.-A. Taschereau à l’Académie Commerciale, « voyez ces hommes instruits et qui parlent un français si pur, leur langue maternelle en a-t-elle souffert ? » « je connais, » dit l’honorable juge E. Fabre-Surveyer, « un consul de France dont les enfants, tout jeunes encore, parlent le français, l’anglais et l’allemand avec une remarquable correction. »
« En France », dit à son tour M. C. Dulong, (un français d’expérience), « il est d’usage courant, dans les familles aisées, de prendre une jeune fille anglaise, à laquelle on donne le titre de gouvernante, et qui doit constamment parler aux enfants dans sa langue maternelle. De cette façon les jeunes enfants apprennent les deux langues sans aucun préjudice pour l’une ou pour l’autre. »
Mais n’est-ce pas ce qui se fait couramment même dans notre province de Québec ? Nous connaissons une foule d’hommes de professions qui en agissent ainsi. On m’a même assuré qu’à Québec, il y a quelques années, une personne distinguée s’était employée à placer des orphelines anglaises dans nos meilleures familles.
Je ne vois pas en quoi l’anglais que j’enseigne à mes enfants puisse compromettre le travail fondamental de leur éducation. Nous connaissons ici un juge — « un représentant de la plus pure essence canadienne » — qui a appris à lire en anglais avant de l’apprendre en français et cela ne l’empêche pas d’être une des gloires de notre magistrature.
M. Amédé Monet, M.P.P., affirme connaître « des petits Italiens de sept ans, qui pensent en italien, en français et en anglais, parce que à la maison et sur la rue, ils ont acquis intuitivement le mécanisme de ces trois langues. Cela s’est fait sans effort et sans heurt. »
Les Canadiens français seraient-ils donc inférieurs en intelligence, au point de ne pouvoir apprendre à parler deux langues vivantes dès leur bas âge, alors que les enfants d’autres nationalités en apprennent trois ? Ce serait sûrement dénigrer notre race que de le prétendre. Nos petits compatriotes des États-Unis parlent couramment le français et l’anglais dès l’âge de 6 ans, et — quand ils ont des prêtres et des instituteurs de leur race — ils n’en sont pas moins fiers de leur langue française et de leur origine. J’en appelle aux curés canadiens-français de la Nouvelle-Angleterre.
Il y a seulement deux ans, une discussion comme celle-ci n’aurait pas été soutenable. Tous les Canadiens français éclairés se déclaraient carrément pour le bilinguisme, et pour un bilinguisme pratique tel que défini par le Congrès de la langue française. C’est ainsi que Paul-Émile Lamarche dans le plan de programme d’études primaires qu’il avait élaboré sur la demande de M. Gaspard Desserre, mettait l’étude de l’anglais