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Quels détails de notre caractère seront fatalement altérés, Père, si ce n’est « cette sorte d’horreur et de mépris quasi fanatique que l’on éprouvait autrefois pour l’idiome des vainqueurs ?[1] Et que gagnerons-nous, si ce n’est une meilleure connaissance du parler des cent millions qui nous entourent ? Du reste, lors même que nos « purs » réussiraient à immuniser tous les Canadiens français contre toute adoption des idées, des mœurs et du langage des cent millions, ce serait un malheur. « L’Histoire, » dit Mgr Paquet, « a retenu cette parole d’un saint qui fut aussi un grand monarque (saint Étienne de Hongrie) « Faible est l’État qui n’a qu’une langue et des mœurs uniformes. »

Vouloir entraver l’élan des nôtres vers une meilleure connaissance de la langue anglaise ne serait ni sage ni patriotique. Comme l’a fait remarquer dernièrement M. J.-Ed. Mignault, ce serait s’opposer à un vœu du Premier Congrès de la Langue Française au Canada, en même temps qu’au désir formel du Pape. Les esprits clairvoyants comme Mgr Paquet, Paul-Emile Lamarche, l’Honorable Taschereau, Athanase David, Madeleine et une foule d’autres ont compris qu’il ne faut pas endiguer ce mouvement, mais s’en emparer et le diriger.

Le distingué député de Napierville remarque justement : « Je ne crois pas que la formation française d’un enfant de sept ans soit compromise par vingt minutes d’anglais tous les jours, si on se sert, pour cela, du procédé direct et oral, parce qu’alors on ne fait nullement appel au vocabulaire français de l’enfant, mais au jeu de ses facultés par l’intermédiaire des sens. »

« N’est-il pas étrange que ces données de bon sens soient déjà si méconnues (page 359)… à « L’Action française » ?


« La première qualité d’un enseignement rationnel, c’est de s’adapter, non pas aux systèmes à la mode, non pas aux ambitions des « papas, » mais au génie du peuple qu’il faut instruire. » (page 351.)

Et faudrait-il faire fi des ambitions des “ papas ” ? Le R. Père aurait-il voulu, par hasard, lancer « L’Action Française » dans un mouvement opposé au magistère des parents dans l’éducation de leurs enfants ?

En demandant à nos éducateurs d’enseigner l’anglais à leurs enfants, les “ papas ” sont très raisonnables, et personne n’a le droit de les en blâmer. Ils savent, par ailleurs, quel culte nos instituteurs primaires ont toujours voué à la belle langue française. Il n’y a qu’une certaine classe de soi-disant intellectuels pour s’imaginer, et pour affirmer ensuite sans autre preuve, que les précepteurs de nos enfants veulent reléguer la langue française au second rang, et M. J.-Hector Hamel a fait bonne justice de cette fable, dans « La Presse » du 9 octobre dernier.

  1. L’abbé A Comtois, professeur de philosophie au Séminaire des Trois-Rivières, cité par le journal « La Croix » de Montréal, le 28 oct. 1905.