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Page:Almanach des muses - 1772.djvu/24

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Heureux qui n’a que ce ſyſtème !
car enfin de quel bien jouir,
ſi l’on ne jouit de ſoi-même ?
L’homme ſe perd dans l’avenir ;
il s’immole à ſa renommée :
qu’on eſt fou de vouloir courir
après une vaine fumée !
nous ſommes ſi près du plaiſir !
Ce public ſuperbe & volage,
dont on priſe tant là faveur,
que peut-il pour notre bonheur ?
Eh ! que m’importe ſon ſuffrage ?
en a-t-on beſoin à mon âge ?
tout l’univers eſt dans mon cœur,
Dois-je, pour un laurier frivole,
aux pieds de cette vaine idole,
riſquer des mépris éclatans ?
Qui s’éleve cherche l’orage ;
les monts ſont battus par les vents :
la paix regne dans un bocage ;
cachons-nous ſous l’aîle des vents,
& dérobons notre paſſage :
l’éclat eſt l’écueil des talens.
Voyez les Écrivains célebres :
des tems ils percent les ténebres ;
ils éblouiſſent les regards :
mais entendez de toutes parts
ſrémir aux accords de leur lyre
la calomnie & le ſatyre.
Ainſi votre Muſe a beau dire !