Page:Aloysius Bertrand - Gaspard de la nuit, édition 1920.djvu/146

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figue plus savoureuse, cultivées de leurs mains. Quelques autres courbaient des nasses d’osier, ou taillaient des hanaps de buis, dans des grottes de rocaille ensablées d’une source vive et tapissée d’un liseron sauvage. C’est ainsi qu’ils cherchaient à tromper les heures si rapides pour la joie, si lentes pour la souffrance !

Mais il y en avait qui ne s’asseyaient même plus au seuil de la Maladrerie. Ceux-là, exténués, élanguis, dolents, qu’avait marqués d’une croix la science des mires, promenaient leur ombre entre les quatre murailles d’un cloître, hautes et blanches, l’œil sur le cadran solaire dont l’aiguille hâtait la fuite de leur vie et l’approche de leur éternité.

Et lorsque, adossés contre les lourds piliers, ils se plongeaient en eux-mêmes, rien n’interrompait le silence de ce cloître, sinon les cris d’un triangle de cigognes qui labou-