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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES

noms sanscrits, Banga et Gangika[1] orthographiés Bhanga et Gunjika par Piddington[2]. La racine de ces noms ang ou an se retrouve dans toutes les langues indo-européennes et sémitiques modernes : Bang en hindou et persan, Ganga en bengali[3], Hanf en allemand, Hemp en anglais, Kanas en celtique et bas-breton moderne[4], Cannabis en grec et en latin, Cannab en arabe[5].

D’après Hérodote (né en 484 avant Jésus-Christ), les Scythes employaient le Chanvre, mais de son temps les Grecs le connaissaient à peine[6]. Hiéron II, roi de Syracuse, achetait le chanvre de ses cordages pour vaisseaux dans la Gaule, et Lucilius est le premier écrivain romain qui ait parlé de la plante (100 ans avant Jésus-Christ). Les livres hébreux ne mentionnent pas le Chanvre[7]. Il n’entrait pas dans la composition des enveloppes de momies chez les anciens Égyptiens. Même à la fin du XVIIIe siècle, on ne cultivait le Chanvre, en Égypte, que pour le hachich, matière enivrante[8]. Le recueil des lois judaïques appelé Mischna, fait sous la domination romaine, parle de ses propriétés textiles comme d’une chose peu connue[9]. Il est assez probable que les Scythes avaient transporté cette plante de l’Asie centrale et de la Russie à l’ouest, dans leurs migrations, qui ont eu lieu vers l’an 1500 avant Jésus-Christ, un peu avant la guerre de Troie. Elle aurait pu s’introduire aussi par les invasions antérieures des Aryens en Thrace et dans l’Europe occidentale ; mais alors l’Italie en aurait eu connaissance plus tôt. On n’a pas trouvé le Chanvre dans les palafittes des lacs de Suisse[10] et du nord de l’Italie[11].

Ce qu’on a constaté sur l’habitation du Cannabis sativa concorde bien avec les données historiques et linguistiques. J’ai eu l’occasion de m’en occuper spécialement dans une des monographies du Prodromus, en 1869[12].

L’espèce a été trouvée sauvage, d’une manière certaine, au midi de la mer Caspienne[13], en Sibérie, près de l’Irtysch, dans le désert des Kirghiz, au delà du lac Baical, en Daourie (gouvernement d’Irkutsk). Les auteurs l’indiquent dans toute la Russie méridionale et moyenne, et au midi du Caucase[14], mais la qualité

  1. Roxburgh, Flora indica, éd. 2, vol. 3, p. 772.
  2. Piddington, Index.
  3. Roxburgh, ibid.
  4. Reynier, Économie des Celtes, p. 448 ; Legonidec, Dictionn. bas-breton.
  5. J. Humbert, autrefois professeur d’arabe à Genève, m’a indiqué Kannab, Kon-mab, Hon-nab, Hen-nab, Kanedir, selon les localités.
  6. Athénée, cité par Hehn, Culturpflanzen, p. 168.
  7. Rosenmüller, Handb. bibl. Alterk.
  8. Forskal, Flora ; Delile, Flore d’Égypte.
  9. Reynier, Économie des Arabes, p. 434.
  10. Heer, Ueber d. Flachs, p. 25.
  11. Sordelli, Notizie sull. staz. di Lagozza, 1880.
  12. Vol. XVI, sectio 1, p. 30.
  13. De Bunge, Bull. Soc. bot, de Fr., 1860, p. 30.
  14. Ledebour, Flora rossica, 3, p. 634.