Cette facilité de naturalisation explique sans doute la présence, à des époques successives, du Mûrier blanc dans l’Asie occidentale et le midi de l’Europe. Elle a dû agir surtout depuis que des moines eurent apporté le ver à soie à Constantinople, sous Justinien, dans le VIe siècle, et que graduellement la sériculture s’est propagée vers l’ouest. Cependant Targioni a constaté que le mûrier noir, M. nigra, était seul connu en Sicile et en Italie, lorsque l’industrie de la soie s’est introduite en 1148 en Sicile et deux siècles plus tard en Toscane[1]. D’après le même auteur, l’introduction du Mûrier blanc en Toscane date, au plus tôt, de l’année 1340. De la même manière, l’industrie de la soie peut avoir commencé en Chine, parce que le ver à soie s’y trouvait naturellement ; mais il est très probable que l’arbre existait aussi dans l’Inde septentrionale, où tant de voyageurs l’ont trouvé à l’état sauvage. En Perse, en Arménie et dans l’Asie Mineure, je le crois plutôt naturalisé depuis une époque ancienne, contrairement à l’opinion de Grisebach, qui le regarde comme originaire de la région de la mer Caspienne (Végét. du globe, trad. française, I, p. 424). M. Boissier ne le cite pas comme spontané dans ces pays[2]. M. Buhse[3] l’a trouvé en Perse, près d’Erivan et de Baschnaruschin, et il ajoute : « naturalisé en abondance dans le Ghilan et le Masenderan. » La flore de Russie par Ledebour[4] indique de nombreuses localités autour du Caucase, sans parler de spontanéité, ce qui peut signifier une espèce naturalisée. En Crimée, en Grèce et en Italie, il est seulement à l’état de culture[5]. Une variété tatarica, souvent cultivée dans le midi de la Russie, s’est naturalisée près du Volga[6].
Si le Mûrier blanc n’existait pas primitivement en Perse et vers la mer Caspienne, il doit y avoir pénétré depuis longtemps. Je citerai pour preuve le nom de Tut, Tuth, Tuta, qui est persan, arabe, turc et tartare. Il y a un nom sanscrit, Tula[7], qui doit se rattacher à la même racine que le nom persan ; mais on ne connaît pas de nom hébreu, ce qui vient à l’appui de l’idée d’une extension successive vers l’Asie occidentale.
Ceux de mes lecteurs qui désirent des renseignements plus détaillés sur l’introduction des Mûriers et des vers à soie les trouveront surtout dans les savants ouvrages de Targioni et de Ritter que j’ai cités. Les découvertes faites récemment par divers botanistes m’ont permis d’ajouter des données plus
- ↑ Ant. Targioni, Cenni storici sulla introd. di varie piante nell agricolt. toscana, p. 188.
- ↑ Boissier, Flora orient., 4, p. 1153.
- ↑ Buhse, Aufzählung der Transcaucasien und Persien Pflanzen, p. 203.
- ↑ Ledebour, Fl. ross., 3, p. 643.
- ↑ Steven, Verzeichniss d. taurisch. Halbinn, p. 313 ; Heldreich, Pflanzen des attischen Ebene, p. 508 ; Bertoloni, Fl. ital., 10, p. 177 ; Carnel, Fl. Toscana, p. 171.
- ↑ Bureau, l. c.
- ↑ Roxburgh, Fl. ind. ; Piddington, Index.