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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES

tinuel en suçant la matière sucrée ; mais Vieillard[1] a eu soin de dire : « De ce qu’on rencontre fréquemment au milieu des broussailles et même sur les montagnes des pieds isolés de Saccharum officinarum, on aurait tort d’en conclure que cette plante est indigène, car ses pieds, faibles et rachitiques, accusent simplement d’anciennes plantations, ou proviennent de fragments de Cannes oubliés par les naturels, qui voyagent rarement sans avoir un morceau de canne à sucre à la main. » En 1861, M. Bentham, qui avait à sa disposition les riches herbiers de Kew, s’exprimait ainsi dans la flore de l’île de Hongkong ; » Nous n’avons aucune preuve authentique et certaine d’une localité où la Canne à sucre ordinaire soit spontanée. »

Je ne sais cependant pourquoi Ritter et tout le monde a négligé une assertion de Loureiro dans la flore de Cochinchine[2] : « Habitat, et colitur abundantissime in omnibus provinciis regni Cochinchinensis : simul in aliquibus imperii sinensis, sed minori copia. » Le mot habitat, séparé du reste par une virgule, est bien affirmatif. Loureiro n’a pas pu se tromper sur le Saccharum officinarum, qu’il voyait cultivé autour de lui et dont il énumère les principales variétés. Il doit avoir vu des pieds spontanés, au moins en apparence. Peut-être venaient-ils de quelque culture du voisinage, mais je ne connais rien qui rende invraisemblable la spontanéité dans cette partie chaude et humide du continent asiatique.

Forskal[3] a cité l’espèce comme spontanée dans les montagnes de l’Arabie Heureuse, sous un nom qu’il croit indien. Si elle était d’Arabie, elle se serait répandue depuis longtemps en Égypte, et les Hébreux l’auraient connue.

Roxburgh avait reçu au jardin botanique de Calculta, en 1796, et avait introduit dans les cultures du Bengale, un Saccharum qu’il a nommé S. sinense et dont il a publié une figure dans son grand ouvrage des Plantæ Coromandelianæ (vol. 3, p. 232). Ce n’est peut-être qu’une forme du S. officinarum, et d’ailleurs, comme elle n’est connue qu’à l’état cultivé, elle n’apprend rien sur la patrie soit de cette l’orme, soit des autres.

Quelques botanistes ont prétendu que la canne à sucre fleurit plus souvent en Asie qu’en Amérique ou en Afrique, et même que sur les bords du Gange elle donne des graines[4], ce qui serait, d’après eux, une preuve d’indigénat. Macfadyen le dit sans fournir aucune preuve. C’est une assertion qu’il a reçue, à la Jamaïque, de quelque voyageur ; mais sir W. Hooker a soin d’ajouter en note ; « Le Dr  Roxburgh, malgré sa longue résidence au bord du Gange, n’a jamais vu de graines de la canne à

  1. Vieillard, Ann. des sc. nat., série 4, vol. 16, p. 32.
  2. Loureiro, Fl. Cochinch., éd. 2, vol. 1, p. 66.
  3. Forskal, Fl. Ægypto-arabica, p, 103.
  4. Macfadyen, On the botanical characters of the sugar cane, dans Hooker Bot. miscell. I, p. 101 ; Maycock, Fl. Barbad., p. 50.