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VIGNE

dans la station lacustre de Wangen, en Suisse, mais dans ce dernier cas à une profondeur incertaine[1] Bien plus ! Des feuilles de vigne ont été trouvées dans les tufs des environs de Montpellier, où elles se sont déposées probablement avant l’époque historique[2], et dans ceux de Meyrargue, en Provence, certainement préhistoriques, quoique postérieurs à l’époque tertiaire des géologues[3].

Dans le pays qu’on peut appeler le centre et qui est peut-être le plus ancien séjour de l’espèce, le midi du Caucase, un botaniste russe, Kolenati[4], a fait des observations très intéressantes sur les différentes formes de vignes, soit spontanées, soit cultivées. Je regarde son travail comme d’autant plus significatif que l’auteur s’est attaché à classer les variétés suivant les caractères de la pubescence et de la nervation des feuilles, choses absolument indifférentes aux cultivateurs et qui doivent représenter, par conséquent, beaucoup mieux les états naturels de l’espèce. D’après lui, les vignes sauvages, dont il a vu une immense quantité entre la mer Noire et la mer Caspienne, se groupent en deux sous-espèces, qu’il décrit, qu’il assure pouvoir reconnaître à distance, et qui seraient le point de départ des vignes cultivées, au moins en Arménie et dans les environs. Il les a reconnues autour du mont Ararat, dans une zone où l’on ne cultive pas la vigne, où même on ne pourrait pas la cultiver. D’autres caractères, par exemple la forme et la couleur des raisins, varient dans chacune des deux sous-espèces. Nous ne pouvons entrer ici dans les détails purement botaniques du mémoire de Kolenati, non plus que dans ceux du travail plus récent de Regel sur le genre Vitis[5] ; mais il est bon de constater qu’une espèce cultivée depuis un temps très reculé et qui a maintenant peut-être 2000 formes décrites dans les ouvrages offre, quand elle est spontanée dans la région où elle est très ancienne, et a probablement offert avant toute culture, au moins deux formes principales, avec d’autres d’une importance moindre. Si l’on étudiait avec le même soin les vignes spontanées de la Perse et du Cachemir, du Liban et de Grèce, on trouverait peut-être d’autres sous-espèces d’une ancienneté probablement préhistorique.

  1. Heer, l. c.
  2. Planchon, Étude sur les tufs de Montpellier, 1864, p. 63.
  3. De Saporta, La flore des tufs quaternaires de Provence, 1867, p. 15 et 27.
  4. Kolenati, dans Bulletin de la Société impériale des naturalistes de Moscou, 1846, p. 279.
  5. Regel, dans Acta horti imp. petrop., 1873. Dans cette revue abrégée du genre, M. Regel énonce l’opinion que les Vitis vinifera sont le produit hybride et altéré par la culture de deux espèces sauvages, V. vulpina et V. Labrusca ; mais il n’en donne pas de preuves, et ses caractères pour les deux espèces sauvages sont bien peu satisfaisants. Il est fort à désirer que les vignes d’Asie et d’Europe, spontanées ou cultivées, soient comparées dans leurs graines, qui fournissent d’excellentes distinctions, d’après les travaux d’Engelmann sur les Vignes d’Amérique.