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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS

guebar, et de proche en proche au travers de l’Afrique ou par la navigation des Européens jusqu’à la côte occidentale. Ce serait même assez récent, puisque Robert Brown (Bot. of Congo) et Thonning n’ont pas eu connaissance de l’espèce en Guinée[1].

Pommier d’Acajou. — Anacardium occidentale, Linné. — Cashew, des Anglais.

Les assertions les plus fausses ont été émises autrefois sur l’origine de cet arbre[2], et, malgré ce que j’en ai dit en 1855[3], je les vois reproduites çà et là.

Le nom français de Pommier d’Acajou est aussi ridicule que possible. Il s’agit d’un arbre de la famille des Térébintacées (soit Anacardiacées), très différente des Rosacées et des Méliacées auxquelles appartiennent les Pommiers et l’Acajou. La partie que l’on mange ressemble plus à une poire qu’à une pomme, et, botaniquement parlant, ce n’est pas un fruit, mais le pédoncule ou support du fruit, lequel ressemble à une grosse fève. Les deux noms, français et anglais, dérivent d’un nom des indigènes du Brésil, Acaju, Acajaiba, cité par d’anciens voyageurs[4].

L’espèce est certainement spontanée dans les forêts de l’Amérique intertropicale et même dans une grande étendue de cette région, par exemple au Brésil, à la Guyane, dans l’isthme de Panama et aux Antilles[5]. Le Dr  Ernst[6] la croit originaire seulement de la contrée voisine du fleuve des Amazones, bien qu’il la connaisse aussi de Cuba, Panama, l’Équateur et la Nouvelle-Grenade. Il se fonde sur ce que les auteurs espagnols du temps de la conquête n’en ont pas parlé, preuve négative, qu’il faut prendre pour une simple probabilité.

Rheede et Rumphius avaient aussi indiqué cet arbre dans l’Asie méridionale. Le premier le dit commun au Malabar[7]. L’existence d’une même espèce tropicale arborescente en Asie et en Amérique était si peu probable qu’on a soupçonné d’abord quelque différence spécifique ou au moins de variété, qui ne s’est pas confirmée. Divers arguments, historiques et linguistiques, m’avaient démontré une origine étrangère à l’Asie. D’ailleurs Rumphius, toujours exact, parlait d’une introduction

  1. Le Zizyphus abyssinicus, Hochst., paraît une espèce différente.
  2. Tussac, Flore des Antilles, 3, p. 55 (où se trouve une excellente figure, pl. 13), dit que c’est une espèce des Indes orientales, aggravant ainsi l’erreur de Linné, qui l’avait crue d’Amérique et d’Asie.
  3. Géographie botanique raisonnée, p. 873.
  4. Piso et Marcgraf, Historia rerum naturalium Brasiliæ, 1648, p. 57.
  5. Voir Piso et Marcgraf, l. c. ; Aublet, Guyane, p. 392 ; Seeman, Botany of the Herald, p. 106 ; Jacquin, Amériq., p. 124 ; Mac Fadyen, Pl. Jamaïc., p. 119 ; Grisebach, Fl. of brit. W. India, p. 176.
  6. Ernst, dans Seemann, Journal of bot., 1867, p. 273.
  7. Rheede, Malabar, 3, pl. 54.