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PÊCHER

forme singulière de la pêche déprimée[1], qui paraît s’éloigner plus qu’aucune autre de l’état naturel de l’espèce ; enfin, un nom simple, celui de To, est donné à la pêche ordinaire[2].

« D’après cet ensemble de faits, je suis porté à croire que le Pécher est originaire de Chine plutôt que de l’Asie occidentale. S’il avait existé de tout temps en Perse ou en Arménie, la connaissance et la culture d’un arbre aussi agréable se seraient répandues plus tôt dans l’Asie Mineure et la Grèce. L’expédition d’Alexandre est probablement ce qui l’avait fait connaître à Théophraste (322 avant J.-C.), lequel en parle comme d’un fruit de Perse. Peut-être cette notion vague des Grecs remonte-t-elle à la retraite des Dix mille (401 avant J.-C.) ; mais Xénophon ne mentionne pas le Pêcher. Les livres hébreux n’en font aussi aucune mention. Le Pêcher n’a pas de nom en sanscrit, et cependant le peuple parlant cette langue était venu dans l’Inde du nord-ouest, c’est-à-dire de la patrie ordinairement présumée pour l’espèce. En admettant cette patrie, comment expliquer que ni les Grecs des premiers temps de la Grèce, ni les Hébreux, ni le peuple parlant sanscrit, qui ont tous rayonné de la région supérieure de l’Euphrate ou communiqué avec elle, n’auraient pas cultivé le Pêcher ? Au contraire, il est très possible que des noyaux d’un arbre fruitier cultivé de toute ancienneté en Chine aient été portés, au travers des montagnes, du centre de l’Asie en Cachemir, dans la Bouckarie et la Perse. Les Chinois avaient découvert cette route depuis un temps très reculé. L’importation aurait été faite entre l’époque de l’émigration sanscrite et les relations des Perses avec les Grecs. La culture du Pêcher, une fois établie dans ce point, aurait marché facilement, d’un côté vers l’occident, de l’autre, par le Caboul, vers le nord de l’Inde, où elle n’est pas très ancienne.

« À l’appui de l’hypothèse d’une origine chinoise, on peut ajouter que le Pêcher a été introduit de Chine en Cochinchine[3], et que les Japonais donnent à la pêche le nom chinois de Tao[4]. M. Stanislas Julien a eu l’obligeance de me lire en français quelques passages de l’Encyclopédie japonaise (liv. LXXXVI, p. 7), où le Pêcher Tao est dit un arbre des contrées occidentales, chose qui doit s’entendre des parties intérieures de la Chine, relativement à la côte orientale, puisque le fragment est tiré d’un auteur chinois. Le Tao est déjà dans les livres de Confucius, au Ve siècle avant l’ère chrétienne, et même dans le Rituel, du Xe siècle avant Jésus-Christ. La qualité de plante spontanée

  1. Trans. hort. soc. Lond., IV, p. 512, tab. 19.
  2. Roxburgh, l. c.
  3. Loureiro, Fl. coch., p. 386.
  4. Kæmpfer, Amoen., p. 798 ; Thunberg, Fl. Jap., p. 199. Kæmpfer et Thunberg indiquent aussi le nom de Momu, mais M. de Siebold (Fl. Jap., 1, p. 29) attribue un nom assez semblable, Mume, à un Prunier, Prunus Mume, Sieb. et Z.