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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS

des noms égyptien ou arabe, comme je l’expliquerai dans un instant.

Les Romains ont connu l’Olivier plus tard que les Grecs. D’après Pline[1], ce serait seulement à l’époque de Tarquin l’Ancien, en 627 avant J.-C., mais probablement l’espèce existait déjà dans la Grande Grèce, comme en Grèce et en Sicile. D’ailleurs Pline voulait parler peut-être de l’Olivier cultivé.

Un fait assez singulier, qui n’a pas été remarqué et discuté par les philologues, est que le nom berbère de l’Olivier et de l’olive a pour racine Taz ou Tas, analogue au Tat des anciens Égyptiens. Les Kabaïles de la division d’Alger, d’après le Dictionnaire français-berbère, publié par le gouvernement français, appellent l’Olivier sauvage Tazebboujt, Tesettha Ou’ Zebbouj et l’Olivier greffé Tazemmourt, Tasettha Ou’ zemmour. Les Touaregs, autre peuple berbère, disent Tamahinet[2]. Ce sont bien des indices d’ancienneté de l’Olivier en Afrique. Les Arabes ayant conquis cette contrée et refoulé les Berbères dans les montagnes et le désert, ayant également soumis l’Espagne à l’exception du pays basque, les noms dérivés du sémitique Zeit ont prévalu même dans l’espagnol. Les Arabes d’Alger disent Zenboudje pour l’Olivier sauvage, Zitoun pour l’olivier cultivé[3], Zit pour l’huile d’olive. Les Andalous appellent l’olivier sauvage Azebuche et le cultivé Aceytuno[4]. Dans d’autres provinces, on emploie concuremment le nom d’origine latine, Olivio, avec les noms arabes[5]. L’huile se dit en espagnol aceyte, qui est presque le nom hébreu ; mais les huiles saintes s’appellent oleos santos, parce qu’elles se rattachent à Rome. Les Basques se servent du nom latin de l’Olivier.

D’anciens voyageurs aux îles Canaries, par exemple Bontier, en 1403, mentionnent l’Olivier dans cet archipel, où les botanistes modernes le regardent comme indigène[6]. Il peut avoir été introduit par les Phéniciens, s’il n’existait pas antérieurement. On ignore si les Guanches avaient des mots pour olivier et huile. Webb et Berthelot n’en indiquent pas dans leur savant chapitre sur la langue des aborigènes[7]. On peut donc se livrer à différentes conjectures. Il me semble que l’huile aurait joué un rôle important chez les Guanches s’ils avaient possédé l’Olivier, et qu’il en serait resté quelque trace dans la langue actuelle populaire. À ce point de vue, la naturalisation aux Canaries n’est peut-être pas aussi ancienne que les voyages des Phéniciens.

Aucune feuille d’Olivier n’a été trouvée jusqu’à présent dans

  1. Pline, Hist., l. 15, c. 1.
  2. Duveyrier. Les Touaregs du nord (1864), p. 179.
  3. Munby, Flore de l’Algérie, p. 2 ; Debeaux, Catal. Boghar, p. 68.
  4. Boissier, Voyage bot. en Espagne, éd. 1, 2, p. 407.
  5. Willkomm et Lange, Prodr. fl. hispan., 2, p. 672.
  6. Webb et Bertbelot, Hist. nat. des Canaries, Géog. bot., p. 47 et 48.
  7. Webb et Berthelot, Ibid., Ethnographie, p. 18S.