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POIS CHICHE

l’Europe, d’Égypte et de l’Asie occidentale jusqu’à la mer Caspienne et l’Inde en parlent comme d’une espèce cultivée ou des champs et de terrains cultivés. On l’a indiquée quelquefois[1] en Crimée, et au nord et surtout au midi du Caucase, comme à peu près spontanée ; mais les auteurs modernes bien informés ne le croient pas[2]. Cette quasi spontanéité peut faire présumer seulement une origine d’Arménie et des pays voisins.

La culture et les noms de l’espèce jetteront peut-être quelque jour sur la question.

Le Pois chiche était cultivé chez les Grecs, déjà du temps d’Homère, sous le nom de Erebinthos[3] et aussi de Krios[4], à cause de la ressemblance de la graine avec une tête de bélier. Les Latins l’appelaient Cicer, origine des noms modernes dans le midi de l’Europe. Ce nom existe aussi chez les Albanais, descendants des Pélasges, sous la forme de Kikere[5]. L’existence de noms aussi différents indique une plante très anciennement connue et peut-être indigène dans le sud-est de l’Europe.

Le Pois chiche n’a pas été trouvé dans les habitations lacustres de Suisse, Savoie ou Italie. Pour les premières, ce n’est pas singulier ; le climat n’est pas assez chaud.

Un nom commun chez les peuples du midi du Caucase et de la mer Caspienne est en géorgien Nachuda, en turc et arménien Nachius, Nachunt, en persan Nochot[6]. Les linguistes pourront dire si c’est un nom très ancien et s’il a quelque rapport avec le nom sanscrit Chennuka.

Le Pois chiche est si souvent cultivé en Égypte depuis les premiers temps de l’ère chrétienne[7] qu’on le suppose avoir été également connu des anciens Égyptiens. Il n’en existe pas de preuve dans les figures ou les dépôts de graines de leurs monuments, mais on, peut supposer que cette graine, comme la fève et la lentille, était réputée vulgaire ou impure. Reynier[8] pensait que le Ketsech, mentionné par Esaïe dans l’Ancien Testament, était peut-être le pois chiche ; mais on attribue ordinairement ce nom à la Nielle (Nigella sativa) ou au Vicia sativa, sans en être sûr[9]. Comme les Arabes appellent le Pois chiche d’un nom tout différent, Omnos, Homos, qui se retrouve chez les Kabyles sous

  1. Ledebour, Fl. ross., 1, p. 660, d’après Pallas, Falk et C. Koch.
  2. Boissier, Fl. orient., 2, p. 560 ; Steven, Vevzeichniss des taurischen Hablinseln, p. 134.
  3. Iliade, l. 13, v. 589 ; Theophrastes, Hist., l. 8, c. 3.
  4. Dioscorides, l. 2, c. 126.
  5. Heldreich, Nutzpflanzen Griechenlands, p. 71.
  6. Nemnich, Polyghtt. Lexicon, 1, p. 1037 ; Bunge, dans Gœbels Reise, 2, p. 328.
  7. Clément d’Alexandrie, Strom., l. 1, cité d’après Reynier, Économie des Égyptiens et Carthaginois, p. 343.
  8. Reynier, Économie des Arabes et des Juifs, p. 430.
  9. Rosenmüller,. Bibl. Alterth., 1, p. 100 ; Hamilton, Botanique de la Bible, p. 180.