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HARICOT COMMUN

seolus et Dolichos, la distinction des espèces était si peu avancée et les flores de pays tropicaux si rares que j’avais dû laisser de côté plusieurs questions. Aujourd’hui, grâce à des mémoires de M. Bentham et de M. George von Martens[1] complétant ceux antérieurs de Savi[2], les Légumineuses des pays chauds sont mieux connues ; enfin tout récemment des graines tirées des tombeaux péruviens d’Ancon, examinées par M. Wittmack, ont modifié complètement le problème des origines.

Voyons d’abord ce qui concerne le Haricot commun. Je parlerai ensuite d’autres espèces, sans énumérer toutes celles qui se cultivent, car plusieurs d’entre elles sont encore mal définies.

Les botanistes ont cru pendant longtemps que le Haricot commun était originaire de l’Inde. Personne ne l’avait trouvé sauvage, ce qui est encore le cas actuellement ; et l’on s’était figuré une origine indienne, quoique l’espèce fût cultivée aussi en Afrique et en Amérique dans les régions tempérées ou chaudes, du moins dans celles qui ne sont pas d’une chaleur excessive et humide. Je fis remarquer qu’elle n’a pas de nom sanscrit et que les jardiniers du XVIe siècle appelaient souvent le Haricot fève turque. Persuadé en outre, comme tout le monde, que les Grecs avaient cultivé cette plante, sous les noms de Fasiolos et Dolichos, j’émis l’hypothèse qu’elle était originaire de l’Asie occidentale, non de l’Inde, George de Martens adopta cette manière de voir.

Il s’en faut de beaucoup cependant que les mots Dolichos de Théophraste, Fasiolos de Dioscoride, Faseolus et Phasiolus des Romains[3] soient assez définis dans les textes pour qu’on puisse les attribuer avec sûreté au Phaseolus vulgaris. Plusieurs Légumineuses cultivées se soutiennent par les vrilles dont parlent les auteurs et présentent des gousses et des graines qui se ressemblent. Le meilleur argument pour traduire ces noms par Phaseolus vulgaris est que les Grecs actuels et les Italiens ont des mots dérivés de Fasiolos pour notre haricot commun. Les Grecs modernes disent Fasoulia et les Albanais (Pélasges ?) Fasulé ; les Italiens Fagiolo. On peut craindre pourtant une transposition de nom d’une espèce de Pois, de Vesce, de Gesse ou d’un Haricot anciennement cultivé au Haricot commun actuel. Il faut être assez hardi pour déterminer une espèce de Phaseolus d’après une ou deux épithètes dans un auteur ancien, quand on voit la peine que donne la distinction des espèces aux botanistes modernes avec les plantes mêmes sous les yeux. On a voulu cependant préciser que le Dolichos de Théophraste était notre haricot à rames, et le Fasiolos le haricot nain de nos cultures, qui cons-

  1. Bentham, dans Ann. wiener Museum, vol. 2 ; Martens (George von). Die Gartenbohnen, in-4o, Stuttgard, 1860 ; éd. 2, 1869.
  2. Savi, Osserv. sopra Phaseolus i Dolichos, 1, 2, 3.
  3. Théophraste, Hist., 1. 8, c. 3 ; Dioscorides, 1. 2, c. 130 ; Pline, Hist., 1. 18, c. 7, 12, interprétés par Fraas, Synopsis fl. class., p. 52 ; Lenz » Botanik d. alten Griechen und Rœmer, p. 731 ; Mertens, l. c. p. 1.