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ARACHIDE, PISTACHE DE TERRE

en particulier sur le Pérou et le Brésil. D’après Sprengel, elle serait mentionnée dans Théophraste comme cultivée en Égypte ; mais il n’est pas du tout évident que l’Arachis soit la plante à laquelle Théophraste fait allusion dans le passage cité. Si elle avait été cultivée autrefois en Égypte, elle se trouverait probablement encore dans ce pays ; or elle n’est ni dans le Catalogue de Forskal, ni dans la flore plus étendue de Delile. Il n’y a rien de très invraisemblable, continue Brown, dans l’hypothèse que l’Arachis serait indigène en Afrique et même en Amérique ; mais, si l’on veut la regarder comme originaire de l’un de ces continents seulement, il est plus probable qu’elle aurait été apportée de Chine, par l’Inde, en Afrique, que d’avoir marché dans le sens contraire. » Mon père, en 1825, dans le Prodromus (2, p. 474), revint à l’opinion de Linné. Il admit l’origine américaine sans hésiter. Reprenons la question, disais-je en 1855, avec les données actuelles de la science.

« L’Arachis hypogæa était la seule espèce de ce genre singulier connue du temps de Brown. Depuis, on a découvert six autres espèces, toutes du Brésil[1]. Ainsi, en appliquant la règle de probabilité, dont Brown a tiré le premier un si grand parti, nous inclinerons à priori vers l’idée d’une origine américaine. Rappelons-nous que Marcgraf[2] et Pison[3] décrivent et figurent la plante comme usitée au Brésil, sous le nom de Mandubi, qui paraît indigène. Ils citent Monardes, auteur de la fin du XVIe siècle, comme l’ayant indiquée au Pérou, avec un nom différent, Anchic, Joseph Acosta[4] ne fait que mentionner l’un de ces noms usités en Amérique, Mani, et en parle à l’occasion des espèces qui ne sont pas d’origine étrangère en Amérique. L’Arachis n’était pas ancienne à la Guyane, aux Antilles et au Mexique. Aublet[5] la cite comme plante cultivée, non à la Guyane, mais à l’île de France. Hernandez n’en parle pas. Sloane[6] ne l’avait vue que dans un jardin et provenant de graines de Guinée. Il dit que les négriers en chargeaient leurs vaisseaux pour nourrir les esclaves pendant la traversée, ce qui indique une culture alors très répandue en Afrique. Pison, dans la seconde édition (1658, p. 256), non dans celle de 1648, figure un fruit très analogue, importé d’Afrique au Brésil, sous le nom de Mandobi, bien voisin du nom de l’Arachis, Mundubi. D’après les trois folioles de la plante, ce serait le Voandzeia, si souvent cultivé en Afrique ; mais le fruit me paraît plus allongé qu’on ne l’attribue à ce genre, et il a deux ou trois graines au lieu d’une

  1. Bentham, dans Trans. Linn. Soc., XVIII, p. 159 ; Walpers, Repertorium, 1, p. 727.
  2. Marcgraf et Pison, Bras., p. 37, édit. 1648.
  3. Marcgraf et Pison, Bras., édit. 1658, p. 256.
  4. Acosta, Hist. nat. Ind., trad. franç., 1598, p. 165.
  5. Aublet, Pl. Guyan., p. 765.
  6. Sloane, Jamaica, p. 184.