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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES

dit qu’on employait le café en Abyssinie depuis un temps immémorial. L’usage, même médical, ne s’en était pas propagé dans les pays voisins, car les croisés n’en eurent aucune connaissance, et le célèbre médecin Ebn Baithar, né à Malaga, qui avait parcouru le nord de l’Afrique et la Syrie au commencement du XIIIe siècle de l’ère chrétienne, ne dit pas un mot du café[1]. En 1596, Bellus envoyait à de L’Écluse des graines dont les Égyptiens tiraient la boisson du Cavé[2]. A peu près à la même époque, Prosper Alpin en avait eu connaissance en Égypte même. Il désigne l’arbuste sous le nom de « arbor Bon, cum fructu sua Buna. » Le nom de Bon se retrouve aussi dans les premiers auteurs sous la forme de Bunnu, Buncho, Bunca[3], Les noms de Cahue, Cahua, chaubé[4], Cavé[5] s’appliquaient, en Égypte et en Syrie, plutôt à la boisson préparée, et sont devenus l’origine du mot Café. Le nom Bunnu, ou quelque chose d’analogue, est si bien le nom primitif de la plante, que les Abyssins l’appellent aujourd’hui encore Boun[6].

Si l’usage du café est plus ancien en Abyssinie qu’ailleurs, cela ne prouve pas que la culture y soit bien ancienne. Il est très possible que pendant des siècles on ait été chercher les baies dans les forêts, où elles étaient sans doute très communes. Selon l’auteur arabe cité plus haut, ce serait un muphti d’Aden, à peu près son contemporain, appelé Gemaleddin, qui, ayant vu boire du café en Perse, aurait introduit cette coutume à Aden, et de là elle se serait répandue à Moka, en Égypte, etc. D’après cet auteur, le Caféier croissait en Arabie[7]. Il existe d’autres fables ou traditions, d’après lesquelles ce seraient toujours des moines ou des prêtres arabes qui auraient imaginé la boisson du café[8], mais elles nous laissent également dans l’incertitude sur la date première de la culture. Quoi qu’il en soit, l’usage du café s’étant répandu dans l’Orient, puis en Occident, malgré une foule de prohibitions et de conflits bizarres[9], la production en est devenue bientôt un objet important pour les colonies. D’après Boerhaave, le bourgmestre d’Amsterdam, Nicolas Witsen, directeur de la Compagnie des Indes, pressa le gouverneur de Batavia, Van Hoorn, de faire venir des graines de Caféier d’Arabie à Batavia : ce qui fut fait et permit à Van Hoorn d’en envoyer des pieds vivants à Witsen, en 1690. Ceux-ci furent soignés dans le jardin botanique d’Amsterdam, fondé par Witsen. Ils y portèrent des

  1. Ebn Baithar, trad. de Sordtheimer, 2 vol. in-8o, 1842.
  2. Bellus, Epist. ad Clus., p. 309.
  3. Rauwolf, Clusius.
  4. Rauwolf ; Bauhin, Hist., 1, p. 422.
  5. Bellus, l. c.
  6. Richard, Tentamen fl. abyss., p. 350.
  7. Un extrait du même auteur dans Playtair, Hist. of Arabia Felix. Bombay, 1859, ne mentionne pas cette assertion.
  8. Nouv. dict. d’hist. nat., IV, p. 552.
  9. Ellis, l. c ; Nouv. dict., l. c.