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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES

naissance, ne dit l’avoir trouvée lui-même sauvage, ni dans l’Inde, ni en Amérique[1]. Clusius[2] affirme, sur ouï-dire, qu’elle croit spontanée dans le nouveau monde et dans les îles voisines.

Malgré la probabilité d’une origine américaine, il reste, comme nous venons de le voir, bien des choses inconnues ou incertaines sur la patrie primitive et le transport de cette espèce, qui joue un rôle considérable dans les pays chauds. Quelle que fût son origine, du nouveau ou de l’ancien monde, comment expliquer qu’elle eût été transportée d’Amérique en Chine au commencement de notre ère et dans les îles de l’océan Pacifique à une époque ancienne, ou d’Asie et d’Australie en Amérique dans un temps assez reculé pour que la culture s’en soit répandue jadis des États-Unis méridionaux jusqu’au Brésil et au Chili ? Il faut supposer des communications préhistoriques entre l’Asie et l’Amérique, ou se livrer à un autre genre d’hypothèses, qui, dans le cas actuel, n’est pas inapplicable. Les Convolvulacées sont une des rares familles de Dicotylédones dans lesquelles certaines espèces ont une aire, ou extension géographique, très étendue et même divisée entre des continents éloignés[3]. Une espèce qui supporte actuellement le climat de la Virginie et du Japon peut avoir existé plus au nord avant l’époque de la grande extension des glaciers dans notre hémisphère, et les hommes préhistoriques l’auraient transportée vers le midi quand les conditions de climat ont changé. Dans ces hypothèses, la culture seule aurait conservé l’espèce, à moins qu’on ne finisse par la découvrir sauvage en quelque point de son ancienne habitation, peut-être, par exemple, au Mexique ou en Colombie.

Betterave, Bette, Poirée. — Beta vulgaris et B. maritima, Linné. — Beta vulgaris, Moquin

Elle est cultivée tantôt pour ses racines charnues (Betterave) et tantôt pour ses feuilles, employées comme légume (Bette, Poirée), mais les botanistes s’accordent généralement à ne pas distinguer deux espèces. On sait, par d’autres exemples, que des plantes à racines minces dans la nature prennent facilement des racines charnues par un effet du sol ou de la culture.

La forme appelée Bette, à racines maigres, est sauvage dans les terrains sablonneux, surtout du bord de la mer, aux îles Canaries, et dans toute la région de la mer Méditerranée, jusqu’à la mer Caspienne, la Perse et Babylone[4], peut-être même dans

  1. Le n° 701 de Schomburgk, coll. 1, est spontané dans la Guyane. Selon M. Choisy, c’est une variété du Batatas edulis ; selon M. Bentham (Hook, Journ. bot., V, p. 352 c’est le Batatas paniculata. Mon échantillon, assez imparfait, me semble différer des deux.
  2. Clusius, Hist., 2, p. 77.
  3. A. de Candolle, Géog. bot, raisonnée, p. 1041-1043 et p. 516, 518.
  4. Moguin-Tandon, dans Prodromus, vol. 13, part. 2, p. 55 ; Boissier, Flora orientalis, 4, p. 898 ; Ledebour, Fl. rossica, 3, p. 692.