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MANIOC

l’Inde occidentale, d’après un échantillon rapporté par Jaquemont, sans que la qualité spontanée en soit certifiée. La flore de l’Inde de Roxburgh, et celle, plus récente, du Punjab et du Sindh, par Aitchison, ne mentionnent la plante que comme cultivée.

Elle n’a pas de nom sanscrit[1], d’où l’on peut inférer que les Aryens ne l’avaient pas apportée de l’Asie tempérée occidentale, où elle existe. Les peuples de leur race émigrés en Europe antérieurement ne la cultivaient probablement pas non plus, car je ne vois pas de nom commun aux langues indo-européennes. Les anciens Grecs, qui faisaient usage des feuilles et des racines, appelaient l’espèce Teutlion[2], les Romains Beta. M. de Heldreich[3] donne aussi comme nom ancien grec Sevkle ou Sfekelie, qui ressemble au nom arabe Selg, chez les Nabathéens Silq[4]. Le nom arabe a passé en portugais, Selga, On ne connaît point de nom hébreu. Tout indique une culture ne datant pas de plus de quatre à six siècles avant l’ère chrétienne.

Les anciens connaissaient déjà les racines rouges et blanches, mais le nombre des variétés a beaucoup augmenté dans les temps modernes, surtout depuis qu’on a cultivé la Betterave en grand, pour la nourriture des bestiaux et la production du sucre. C’est une des plantes les plus faciles à améliorer par sélection, comme les expériences de Vilmorin l’ont prouvé[5].

Manioc. — Manihot utilissima, Pohl. — Jatropha Manihot, Linné.

Le Manioc est un arbuste ou arbrisseau de la famille des Euphorbiacées, dont plusieurs racines se renflent dès la première année, prennent une forme ellipsoïde irrégulière et renferment de la fécule (Tapioca), avec un suc plus ou moins vénéneux.

La culture en est commune dans les régions équatoriales ou tropicales, surtout en Amérique, du Brésil aux Antilles. En Afrique, elle est moins générale et parait moins ancienne. Dans certaines colonies asiatiques, elle est décidément d’introduction moderne. On la pratique au moyen de boutures des tiges.

Les botanistes se sont divisés sur la convenance de regarder les innombrables formes de Maniocs comme appartenant à une, à deux ou même plusieurs espèces différentes. Pohl[6] en admettait plusieurs à côté de son Manihot utilissima, et le Dr  J. Müller[7],

  1. Roxburgh, Flora indica, 2, p. 59 ; Piddington, Index.
  2. Théophraste et Dioscoride cités par Lenz, Botanik der Griechen und Rômer, p. 446 ; Fraas, Synopsis fl. class., p. 233.
  3. Heldreich, Die Nutzpflanzen Griechenlands, p. 22.
  4. Alawwàm, Agriculture nabathéenne (premiers siècles de l’ère chrét. ? ), d’aprés E. Meyer, Geschichte der Botanik, 3, p. 73.
  5. Notices sur l’amélioration des plantes par le semis, p. 13.
  6. Pohl, Plantarum Brasiliæ icones et descriptiones, in-folio, vol. 1.
  7. J. Müller, dans Prodromus, XV, sect. 2, p. 1062, 1064.