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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES

Le Manihot utilissima, et l’espèce voisine ou variété appelée Aïpi, que l’on cultive également, n’ont pas été trouvés à l’état sauvage d’une manière certaine. Humboldt et Bonpland ont bien recueilli sur les bords de la Magdalena, un pied de Manihot utilissima qu’ils ont dit presque spontané[1], mais le Dr  Sagot me certifie qu’on ne l’a point découvert à la Guyane, et les botanistes qui ont exploré la région chaude du Brésil n’ont pas été plus heureux. Cela ressort des expressions de Pohl, qui a beaucoup étudié ces plantes, qui connaissait les récoltes de Martius et ne doutait pas de l’origine américaine. S’il avait remarqué une forme spontanée identique avec celles qu’on cultive, il n’aurait pas émis l’hypothèse que le Manioc provient de son Manihot pusilla[2] de la province de Goyaz, dont la stature est minime et qu’on regarde comme une véritable espèce ou comme une variété du Manihot palmata[3]. De Martius déclarait en 1867, c’est-à-dire après avoir reçu de nombreuses informations postérieures à son voyage, qu’on ne connaissait pas la plante à l’état sauvage[4]. Un ancien voyageur, ordinairement exact, Piso[5], parle d’un Mandihoca sauvage dont les Tapuyeris, indigènes de la côte au nord de Rio-de-Janeiro, mangeaient les racines. Il est, dit-il, « très semblable à la plante cultivée » ; mais la figure qu’il en donne a paru bien mauvaise aux auteurs qui ont étudié les Manihots. Pohl la rapporte à son M. Aïpi, et le Dr  Müller la passe sous silence. Quant à moi, je suis disposé à croire ce que dit Piso, et sa planche ne me paraît pas absolument mauvaise. Elle vaut mieux que celle de Vellozo d’un Manihot sauvage qu’on rapporte avec doute au M. Aïpi[6]. Si l’on ne veut pas accepter cette origine du Brésil oriental intertropical, il faut recourir à deux hypothèses : ou les Manihots cultivés proviennent de l’une des espèces sauvages modifiée par la culture ; ou ce sont des formes qui subsistent seulement par l’action de l’homme, après la disparition de leurs semblables de la végétation spontanée actuelle.

Ail. — Allium sativum, Linné.

Linné, dans son Species, indique la Sicile comme la patrie de l’ail commun ; mais dans l’Hortus cliffortianus, où il est ordinairement plus exact, il ne donne pas d’origine. Le fait est que d’après les flores les plus récentes et les plus complètes de Sicile, de toute l’Italie, de la Grèce, de France, d’Espagne, et d’Algérie, l’ail n’est pas considéré comme indi-

  1. Kunth, dans Humb. et B., Nova Genera, 2, p. 108.
  2. Pohl, Icones et descript., 1, p. 36, pl. 26.
  3. Müller, dans le Prodromus.
  4. De Martius, Beiträge zur Ethnographie, etc., 1, p. 19, 136.
  5. Piso, Historia naturalis Brasiliæ, in-folio, 1658, p. 55, cum icone.
  6. Jatropia sylvestris Vell. Fl. flum., 16, t. 83. Voir Müller, dans Prodromus, 15 p. 1063.