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AIL

gène, quoique çà et là on en ait recueilli des échantillons qui avaient plus ou moins l’apparence de l’être. Une plante aussi habituellement cultivée et qui se propage si aisément peut se répandre hors des jardins et durer quelque temps, sans être d’origine spontanée. Je ne sais sur quelle autorité Kunth cite l’espèce en Égypte[1]. D’après des auteurs plus exacts sur les plantes de ce pays[2], elle y est seulement cultivée. M. Boissier, dont l’herbier est si riche en plantes d’Orient, n’en possède aucun échantillon spontané. Le seul pays où l’ail ait été trouvé à l’état sauvage, d’une manière bien certaine, est le désert des Kirghis de Soongarie, d’après des bulbes rapportées de là et cultivées à Dorpat[3] et des échantillons vus ensuite par Regel[4]. Ce dernier auteur dit aussi avoir vu un échantillon que Wallich avait recueilli comme spontané dans l’Inde anglaise ; mais M. Baker[5], qui avait sous les yeux les riches herbiers de Kew, n’en parle pas dans sa revue des Allium des Indes, de Chine et du Japon.

Voyons si les documents historiques et linguistiques confirment une origine uniquement du sud-ouest de la Sibérie.

L’Ail est cultivé depuis longtemps en Chine sous le nom de Suan, On l’écrit en chinois par un signe unique, ce qui est ordinairement l’indice d’une espèce très anciennement connue et même spontanée[6]. Les flores du Japon[7] n’en parlent pas, d’où je présume que l’espèce n’était pas sauvage dans la Sibérie orientale et la Daourie, mais que les Mongols l’auraient apportée en Chine.

D’après Hérodote (Hist., 1. 2, c. 125), les anciens Égyptiens en faisaient grand usage. Les archéologues n’en ont pas trouvé la preuve dans les monuments, mais cela tient peut-être à ce que la plante était réputée impure par les prêtres[8].

Il existe un nom sanscrit, Mahoushouda[9], devenu Loshoun en bengali, et dont le nom hébreu Schoum, Schumin[10], qui a produit le Thoum ou Toum des Arabes, ne parait pas éloigné. Le nom basque, Baratchoùria, a été rapproché des noms aryens par M. de Charencey[11]. A l’appui de son hypothèse, je dirai que le nom berbère, Tiskert, est tout différent, et que par conséquent les Ibères paraissent avoir reçu la plante et son nom des Aryens plutôt que de leurs ancêtres probables du nord de l’Afrique. Les Lettons disent Kiplohks, les Esthoniens Krunslauk, d’où probablement le Knoblauch des Allemands. L’ancien nom

  1. Kunth, Enum., 4, p. 381.
  2. Schweinfurth et Ascherson, Aufzählung, p. 294.
  3. Ledebour, Flora altaica, 2, p. 4 ; Flora rossica, 4, p. 162.
  4. Regel, Allior. monogr., p. 44.
  5. Baker, dans Journ. of. bot., 1874, p. 295.
  6. Bretschneider, Study and value, etc., p. 13, 47 et 7.
  7. Thunberg, Fl. jap. ; Franchet et Savatier, Enumeratio, 1876, vol. 2.
  8. Unger, Pflanzen des Alten Ægypten’s, p. 42.
  9. Piddington, Index, sous l’orthographe anglaise Mahooshouda.
  10. Hiller, Hierophyton ; Rosenmüller, Bibl. Altertum, vol. 4.
  11. De Charencey, Actes de la Société philologique, 1er  mars 1869.