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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES

Europe par les Ibères ou les Ligures, ont créé des noms ou se sont servis de ceux des peuples plus anciens dans le pays.

Les philologues ont rattaché le Krambai des Grecs au nom persan Karamhy Karam, Kalam, kourde Kalam, arménien Gaghamb[1] ; d’autres à une racine de la langue mère supposée des Aryens, mais ils ne s’accordent pas sur les détails. Selon Fick[2], Karambha, dans la langue primitive indo-germanique, signifie « Gemüsepflanze (légume), Kohl (chou), Karambha voulant dire tige, comme caulis. » Il ajoute que Karambha en sanscrit est le nom de deux légumes. Les auteurs anglo-indiens ne citent pas ce nom prétendu sanscrit, mais seulement un nom des langues modernes de l’Inde, Kopee[3]. Ad. Pictet, de son côté, parle du mot sanscrit Kalamba, « tige de légume, appliqué au chou. » J’ai beaucoup de peine, le l’avoue, à admettre ces étymologies orientales du mot gréco-latin Crambe. Le sens du mot sanscrit est très douteux (si le mot existe), et, quant au mot persan, il faudrait savoir s’il est ancien. J’en doute, car, si le chou avait existé dans l’ancienne Perse, les Hébreux l’auraient connu[4].

Par tous ces motifs, l’espèce me parait originaire d’Europe. La date de sa culture est probablement très ancienne, antérieure aux invasions aryennes, mais on a commencé sans doute par récolter la plante sauvage avant de la cultiver.

Cresson alénois.Lepidium sativum, Linné.

Cette petite Crucifère, usitée aujourd’hui comme salade, était recherchée dans les temps anciens pour certaines propriétés des graines. Quelques auteurs pensent qu’elle répond un Cardamon de Dioscoride ; tandis que d’autres appliquent ce nom à l'Erucaria aleppica[5]. En l’absence de description suffisante, le nom vulgaire actuel étant Cardamon[6], la première des deux suppositions est vraisemblable.

La culture de l’espèce doit remonter à des temps anciens et s’être beaucoup répandue, car il existe des noms très différents : en arabe Reschad, en persan Turehtezuk[7], en albanais, langue dérivée des Pelasges, Diéges[8], sans parler de noms tirés de l’analogie de goût avec le cresson (Nasturtium officinale). Il y a des noms très distincts en hindoustani et bengali, mais on n’en connaît pas en sanscrit[9].

Aujourd’hui, la plante est cultivée en Europe, dans l’Afrique

  1. Ad. Pictet. l. c.
  2. Fick, Vörterb, d. indo-germ. Sprachen, p. 34.
  3. Piddington, Index ; Ainsiies, Mat. méd. ind.
  4. Rosenmüller, Bibl. Alterk., ne cite aucun nom.
  5. Voir Fraas, Syn. fl. class., p. 120, 124 ; Lenz, Bot. d. Alten, p. 617.
  6. Sibthorp, Prodr. fl. graec., 2, p. 6 ; Heidreich, Nutzpfl. Griechen., p. 47.
  7. Ainslies, Mat. méd. ind., 1, p. 95.
  8. Heidreich, l. c.
  9. Piddington, Index ; Ainslies, l. c.