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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES

l’artichaut est probablement une forme obtenue, par la culture, du Cardon sauvage[1]. Aujourd’hui, de bonnes observations en ont donné la preuve. Moris[2], par exemple, ayant cultivé, dans le jardin de Turin, la plante spontanée de Sardaigne à côté de l’Artichaut, affirme qu’on ne pouvait plus les distinguer par de véritables caractères. MM. Wilkomm et Lange[3], qui ont bien observé, en Espagne, la plante spontanée et l’Artichaut qu’on y cultive, ont la même opinion. D’ailleurs l’Artichaut n’a pas été trouvé hors des jardins, et comme la région de la Méditerranée, patrie de tous les Cynara, a été explorée à fond, on peut affirmer qu’il n’existe nulle part spontané.

Le Cardon dans lequel il faut comprendre le C. horrida, de Sibthorp, est indigène à Madère et aux Canaries, dans les montagnes du Maroc près de Mogador, dans le midi et l’orient de la péninsule ibérique, le midi de la France, de l’Italie, de la Grèce et dans les îles de la mer Méditerranée, jusqu’à celle de Chypre[4]. Munby[5] n’admet pas le C. Cardunculus comme spontané en Algérie, mais bien le Cynara humilis Linné, qui est considéré par quelques auteurs comme une variété.

Le Cardon cultivé varie beaucoup au point de vue de la division des feuilles, du nombre des épines et de la taille, diversités qui indiquent une ancienne culture. Les Romains mangeaient le réceptacle qui porte les fleurs, et les Italiens le mangent aussi sous le nom de girello. Les modernes cultivent le Cardon pour la partie charnue des feuilles, usage qui n’est pas encore introduit en Grèce[6].

L’Artichaut présente moins de variétés, ce qui appuie l’opinion qu’il est une dérivation obtenue du Cardon. Targioni[7], dans un excellent article sur cette plante, raconte que l’Artichaut a été apporté de Naples à Florence en 1466, et il prouve que les anciens, même Athénée, ne connaissaient pas l’Artichaut, mais seulement les Cardons sauvages et cultivés. Il faut citer cependant, comme indice d’ancienneté dans le nord de l’Afrique, la circonstance que les Berbères ont deux noms tout à fait particuliers pour les deux plantes : Addad pour le Cardon, Taga pour l’artichaut[8].

On croit que les Kactos, Kinara et Scolimos des Grecs et le

  1. Dodoens, Hist. plant., p. 724 ; Linné, Species, p. 1159 ; de Candolle, Prodromus, 6, p. 620.
  2. Moris, Flora sardoa, 2, p. 61.
  3. Willkomm et Lange, Prodr. fl. hisp., 2, p. 180.
  4. Webb, Phyt. Canar., 3, sect. 2, p. 384 ; Ball, Spicilegium fl. marocc., p. 524 ; Willkomm et Lange, /. c. ; Bertoloni, fl. ital., 9 p. 86 ; Boissier, fl. orient., 3, p. 357 ; Unger et Kotschy, Inseln Cypern, p. 246.
  5. Munby, Catal., éd. 2.
  6. Heldreich, Nutzpflanzen Griechenlands, p. 27.
  7. Targioni, Cenni storici, p. 52.
  8. Dictionnaire français-berbère, publié par le gouvernement, 1 vol. in-8.