En les voyant être heureux sans richesse,
Habiles sans étude, équitables sans lois,
Qu’ils possèdent seuls la sagesse ?
Il n’en est presque point dont l’homme n’ait reçu
Des leçons qui l’ont fait rougir de sa faiblesse,
Et, quoiqu’il s’applaudisse, il doit à leur adresse
Plus d’un art que, sans eux, il n’aurait jamais su.
Le bel esprit, au siècle de Marot,
Des dons du Ciel passoit pour le gros lot ;
Des grands seigneurs il donnoit accointance,
Menoit parfois à noble jouissance.
Et, qui plus est, faisoit bouillir le pot.
Or, est passé ce temps où d’un bon mot,
Stance ou dizain, on payoit son écot :
Plus n’en voyons qui prennent pour finance
Le bel esprit.
À prix d’argeut, l’auteur, comme le sot.
Boit sa chopine et mange son gigot ;
Heureux encor d’en avoir suffisance !
Maints ont le chef plus rempli que la panse.
Dame Ignorance a fait enfin capot
Le bel esprit.