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ANTHOLOGIE FÉMININE

était un savant. Il consacrait ses loisirs à l’éducation de son fils, qui résumait probablement pour lui l’espoir de la famille. Mais l’écolier aimait davantage les exercices de corps que l’étude ; il pensait à ses courses à travers les champs après les papillons, pendant que le père lui expliquait les racines grecques. Anne, timide fillette de onze ans, assistait, sa tapisserie à la main, aux leçons données dans la pièce où se tenait la famille. Un jour, voyant son frère embarrassé pour répondre, elle se hasarda à lui souffler sa leçon. Son père l’entendit et resta stupéfait. Il la questionna et découvrit avec un tressaillement d’orgueil que sa fille tenait de lui le goût de l’étude et des langues mortes.

Désormais, il s’occupa de son instruction et il trouva en elle plus qu’un disciple, un émule et un compagnon d’étude. Elle avait la passion des auteurs anciens ; elle lut bientôt les grecs à livre ouvert. Parmi les élèves de son père était un jeune orphelin, André Dacier, originaire de Castres, âgé de dix-huit ans, aussi studieux qu’Anne. Tanneguy-Lefebvre, ayant remarqué ses capacités, le fit travailler chez lui ; le jeune homme et la jeune fille compulsaient ensemble les auteurs classiques, luttant ensemble pour les découvertes littéraires et scientifiques, à l’âge où d’autres ne pensent qu’au plaisir. André dut quitter son professeur. Quelque temps après, Tanne-