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ANTHOLOGIE FÉMININE


J’écoutois avec le plus vif intérêt tout ce que disoit M. de Beauvau ; je n’ai jamais entendu faire des remarques aussi fines et aussi judicieuses. J’écrivis, avant de me coucher, tout ce que ma mémoire put me rappeler de cet entretien. Nous autres femmes, qui n’avons point fait d’études et qui sommes forcées de vivre dans le grand monde, nous pourrions nous instruire au milieu de cette prodigieuse dissipation, en écoutant les conversations des hommes distingués par leur esprit ; mais, pour cela, il ne faut pas chercher toujours à les occuper de nous et les distraire par nos frivolités, il faut savoir garder le silence ; nous voulons leur plaire : les écouter avec intérêt n’en seroit-il pas un moyen ? On en cherche un plus brillant, on veut causer, on veut montrer de la grâce, qu’en résulte-il ? On donne à l’homme le plus spirituel l’apparence d’un homme ordinaire, on le force à dire des riens et des fadeurs, et souvent on le trouve inférieur à celui qui n’a que le jargon de la galanterie… Pour moi, j’ai plus acquis par le silence que par la lecture ; on n’observe et l’on ne s’instruit qu’en se taisant.


M. de Champ***, en passant dans un village, voit une chaumière en feu ; on lui dit qu’il ne reste qu’une vieille femme paralytique ; il s’y précipite, traverse rapidement les flammes, passe dessus des poutres embrasées, trouve la vieille femme vivante, la prend dans ses bras, l’emporte.