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TROISIÈME PÉRIODE

LE SAULE DES REGRETS

Saule, cher à l’amour et cher à la sagesse,
Tu vis l’autre printemps, sous ton heureux rameau,
Un chantre aimé des dieux moduler sa tristesse ;
Et l’onde vint plus fière enfler ton doux ruisseau.

Sur le feuillage ému, sur le flot qui murmure.
L’amour a conservé ses soupirs douloureux.
Moi, je te viens offrir les pleurs de la nature.
Ne dois-tu pas ton ombre à tous les malheureux ?

Dans ce même vallon, doux saule, j’étais mère !
Mon âme s’enivrait d’orgueil et de bonheur ;
Dans ce même vallon, seule avec ma misère,
Je n’ai que ton abri, mes regrets et mon cœur.

Ma fille a respiré l’air pur de ton rivage ;
Elle a cueilli des fleurs sur ces gazons touffus ;
Ses charmes innocents, les grâces de son âge,
Ont embeilli ces lieux : doux saule, elle n’est plus !

J’aimais à contempler sa touchante figure
Dans le cristal mouvant de ce faible ruisseau ;
J’y trouvais son souris, sa blonde chevelure…
Hélas ! je cherche encore et n’y vois qu’un tombeau !

Cesse de protéger la tranquille sagesse ;
À l’amour étonné retire tes bienfaits.
Je viens, loin des heureux, t’apporter ma détresse,
Sois l’asile des pleurs, sois l’arbre des regrets !