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TROISIÈME PÉRIODE

Les uns, railleurs charmants ; d’autres, hurleurs farouches.
Quand vous laissez en paix tant de méchantes bouches,
Pourquoi donc enchaîner tant d’innocents museaux ?

Muselez cette femme au gracieux sourire,
Aux deux lèvres de rose, à la dent qui déchire
Les réputations, et qui certes mord bien !
Sa voix est douce, avec des notes argentines,
Mais ses petites dents, de blanches perles fines,
Font souvent plus de mal que les longs crocs du chien.

Et ces ambitieux, aboyant en colère
Contre l’État, les lois, et voulant tout refaire,
Il faut les museler ! Qu’on leur donne un trésor,
Une place, et soudain ces hurleurs, ô merveille !
N’auront plus d’aboîment pour assourdir l’oreille :
On les fait taire avec des muselières d’or.

Muselez ces voyous, roquets pleins d’insolence ;
Et même à la tribune ou dans la conférence,
Quand l’orateur bavard, comme un long écheveau
Déroule une parole ou malsaine, ou mollasse.
Quand le fil du discours n’est que de la filasse.
Mettez la muselière auprès du verre d’eau.

Muselez ces auteurs, dont le talent coupable
Recherche le scandale et prêche l’impudeur,
Qui, sur chaque feuillet, pour mordre le lecteur.
Ont un vice embusqué. Leur poison redoutable
Peut se gagner; près d’eux vous courez des dangers :