Page:Alquie - Anthologie feminine.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
39
PREMIÈRE PÉRIODE

aux sciences et disciplines, il me semble que celles qui en ont la commodité doivent employer cette honneste liberté, que nostre sexe a autrefois tant désirée, a icelles apprendre et montrer aux hommes le tort qu’ils nous fesoient en nous privant du bien et de l’honneur qui nous en pouvoit venir ; et si quelcune parvient en tel degré que de pouvoir mettre ses concepcions par escrit, le faire songneusement, et non desdaigner la gloire, et s’en parer plustot que de chaisnes, anneaux et somptueux habits......

Je ne puis faire autre chose que prier les vertueuses dames d’eslever un peu leurs esprits par-dessus leurs quenoilles et fuseaux et s’employer à faire entendre au monde que, si nous ne sommes faites pour commander, si ne devons-nous estre desdaignées pour compagnes, tant es affaires domestiques que publiques, de ceux qui gouvernent et se font obéir. En outre la reputacion que notre sexe en recevra, nous aurons valu au public que les hommes mettront plus de peine et d’estude aux sciences vertueuses, de peur qu’ils n’ayent honte de voir précéder celles desquelles ils ont prétendu estre toujours supérieurs quasi en tout. S’il y a quelque chose recommandable apres la gloire et l’honneur, le plaisir que l’estude des lettres a accoutumé donner nous y doit chacune inciter ; qui est autre que les autres recréations, desquelles quand on en a pris tant que l’on veut on ne se peut vanter d’autre chose que d’avoir passé le temps. Mais celle de l’estude laisse un contentement de soy qui nous demeure plus longuement. Car le passé nous réjouit et sert plus que le présent......

De Lyon, ce 24 juillet 1555.