Page:Alzog - Histoire universelle de l’Église, tome 1.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soin religieux plus profond, se retirèrent dans la solitude et formèrent la secte des Esséniens[1]. On les trouve sur les rives occidentales de la mer Morte, menant une vie tout ascétique, dans la retraite la plus complète, s’efforçant (c’était l’idée mère de leur doctrine) de se soustraire aux influences des sens et de s’affranchir du joug du corps, qui emprisonne l’âme, par une discipline ferme et sévère, par l’abstinence et la pratique de diverses bonnes œuvres. Ils tendaient à former une société d’hommes amis de la vérité, rejetaient entre eux tout serment et n’en prêtaient qu’un, en entrant dans la communauté. Ils s’occupaient de labourage, du soin des troupeaux, de divers métiers, et surtout de médecine. De là l’étymologie probable de leur nom, tiré du mot chaldaïque אָסַי (âsai), c’est-à-dire médecins du corps et de l’âme. Leur connaissance de la médecine et de la nature avait surtout un caractère théosophique ; ils se glorifiaient aussi d’un don particulier de prophétie. Leur direction spirituelle et leurs opinions religieuses les rapprochent beaucoup des thérapeutes d’Égypte. Cependant Flavius Josèphe nomme les esséniens πραϰτιϰοί (praktikoi), parce qu’ils menaient une vie à la fois active et contemplative, tandis qu’il appelle les thérapeutes θεώρητιϰοί (theorêtikoi), parce que leur vie était purement contemplative. D’après Philon, qui idéalise les esséniens et les représente comme les modèles de la sagesse pratique, ils rejetaient tout sacrifice et prétendaient n’adorer Dieu qu’en esprit. Josèphe, au contraire, affirme que le sacrifice était saint à leurs yeux, mais seulement alors qu’il se célébrait à leur manière. Ils observaient rigoureusement la solennité du sabbat, vivaient en communauté de biens, et se soumettaient avec une inquiète exactitude, et contrairement à l’esprit primitif de leur secte, à une multitude de formes et de pratiques extérieures, telles que les lustrations, l’abstinence des choses impures, et les quatre degrés de leur hiérarchie. Ainsi leur piété avait à la fois un caractère mystique et légal, contemplatif et servile. On commit donc une erreur grave lorsqu’on voulut affilier directement les esséniens au Christianisme, d’après l’opinion d’Eusèbe,

  1. Philon les appelle ἐσσαῖοι (essaioi), Josèphe ἑσσῆνοι (hessênoi). Cf. præsertim Stolberg, IV, 499-524, et supra, § 29, p. 99, note 1.