Aller au contenu

Page:Alzog - Histoire universelle de l’Église, tome 1.djvu/351

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ornement, toute parure, toute œuvre des arts plastiques ; condamner le second mariage et tout prêt à intérêt ; la résistance désespérée du judaïsme et du paganisme, la nécessité d’opposer des principes rigides à des maximes relâchées, de combattre l’excès du mal par une sorte d’excès dans le bien, ne peuvent-elles pas, sinon justifier, du moins expliquer leur conduite, et cette conduite ne montre-t-elle pas d’ailleurs, considérée dans sa vraie tendance, avec quel sérieux, avec quelle ardeur, avec quel saint et pur enthousiasme les premiers chrétiens avaient embrassé les préceptes et la vie évangélique[1] ?

Il ne faut pas oublier non plus, dans ce tableau, les fréquents efforts des chrétiens pour détruire l’esclavage, proclamer dans l’esclave les droits d’une créature faite à l’image de Dieu[2], et le dévouement avec lequel ils secouraient les pauvres, assistaient les infirmes et pourvoyaient à leur sépulture. Les philosophes et les écrivains païens n’ont pu nier ce caractère sublime de l’esprit chrétien, qui se donne à tous et veut la liberté pour tous ; et alors même que le caustique Lucien[3] pense se moquer des chrétiens comme de visionnaires, sa critique devient un éloge caractéristique. « Ces malheureux, dit-il, se sont mis dans la tête qu’ils sont immortels ; aussi se font-ils un jeu d’affronter la mort. Leur législateur leur a laissé la conviction qu’ils sont tous frères, du moment qu’ils renient les dieux de la Grèce, adorent le sophiste crucifié et vivent conformément à ses lois. Ils méprisent les richesses de la terre, les considèrent comme des biens communs à tous, en abandonnent l’administration à des gens dont ils ne demandent pas même des garanties. »

Si tout ce qu’on vient de dire est vrai pour la masse des chrétiens de cette époque, et surtout pour des hommes tels que saint Ignace, saint Polycarpe, saint Justin, saint

  1. Cf. Hefele sur le rigorisme dans la vie et les opinions des anciens chrétiens. (Revue théol. trim. de Tub., ann. 1841, 2e livrais., p. 375-446).
  2. Mœhler, Abolit. de l’esclavage par le christianisme dans les quinze premiers siècles (Mélanges, t. II, p. 54). « Soin des pauvres » dans le Dict. ecclés. de Frib., t. I.
  3. Lucian. de Morte peregrini, c. 13.