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Quand, maîtresse du monde, Rome se fut repue du sang des nations et infectée de leurs vices, alors elle se mit à dévorer ses propres entrailles. Au temps des Gracques (133 ans av. J.-C.) et des partisans de Marius, de. Sylla et Cinna, de sanglantes discordes s’allumèrent : le meurtre, l’empoisonnement, les plus horribles cruautés caractérisèrent son histoire jusqu’au gouvernement absolu d’Octave-Auguste, maître de l’Empire (30 ans av. J.-C. - 14 ans apr. J.-C.). Il régna durant quarante-quatre ans, dit Jean de Muller, et fit oublier par sa douceur la république, dont les vieillards eux-mêmes ne se rappelaient que les malheurs, les guerres civiles et les proscriptions. Le scepticisme, propagé par la philosophie grecque, non-seulement étouffa toute semence de religion chez les grands, mais engendra même parmi le peuple un mépris universel pour les dieux. Au temps de Cicéron, on sait que deux augures ne pouvaient plus se rencontrer sans rire : comment auraient-ils conservé parmi le peuple une croyance dont ils n’étaient plus convaincus eux-mêmes ? « Aussi, dit encore Cicéron, n’y avait-il plus de vieille femme qui voulût croire aux fables du Tartare, aux joies de l’Élysée. »

Mais c’est sous les empereurs que le désordre religieux et la perversité des Romains arrivèrent à leur apogée. Le peuple, asservi et abruti, divinisait jusqu’à ses tyrans, surtout quand ceux-ci, flattant ses sanguinaires passions, comme Claude, lui donnaient en spectacle, non plus seulement les combats ordinaires des gladiateurs, dans les cirques et les amphithéâtres, mais l’appareil terrible d’un combat naval[1] dans l’enceinte même de Rome. L’apothéose de ces tyrans[2] profanait et détruisait complètement toute croyance aux anciens dieux de la patrie ; partout se dressaient les statues impudiques de Priape, de Pan et de Vénus. C’étaient au théâtre les représentations les plus obscènes, pour exalter les sens ; les dé-


    in tolerandis diversis religionibus disciplina publica. (Nov. commentar. Soc. Gœtt., t. III. 1773.)

  1. Tacit., Annal. XII, 56. — Cf. Sueton., Vita Claud. c. 21. — Dio Cassius. LX, 33.
  2. Domitien commençait ses lettres par ces mots : « Dominus et Deus noster hoc fieri jubet. » (Sueton., Vita Domit. c. 13.)