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sordres étaient sans bornes ; on inventait chaque jour des moyens nouveaux et contre nature d’assouvir ses passions. Le patriotisme s’évanouissait avec toutes les vertus ; le crime seul régnait. Tel était le monde païen, quand le grand apôtre des nations en fit l’effrayant tableau[1], dont nous trouvons dans Sénèque le terrible commentaire[2].

Il était impossible que la nature humaine persistât longtemps dans une aussi épouvantable situation. L’incrédulité et l’immoralité, son inséparable compagne, produisaient un malaise indéfinissable et de terribles angoisses dans les cœurs. Où il n’y a plus de dieux, dit Novalis, règnent les spectres : la superstition remplace toujours la foi. Les Romains, pour apaiser leur conscience bourrelée, se jetèrent aux pieds des dieux étrangers. Les cultes les plus divers se répandirent d’Orient en Italie, malgré les défenses répétées des empereurs. Des prêtres de toutes nations, des astrologues, des magiciens, des devins, des interprètes des songes vinrent exploiter la superstition générale ; on porta des amulettes et des talismans, on pratiqua des sortilèges, on consulta les entrailles des victimes ; le sort se montra de plus en plus sombre, et jamais culte ne fut plus mystérieux et plus charnel, plus ténébreux et plus sensuel que celui de l’empire romain d’alors. Les Juifs eux-mêmes, d’ailleurs si haïs, parvenaient à faire beaucoup de prosélytes. Quel texte pour les satyres de Perse et de Juvénal, sans que les philosophes les plus sérieux en pussent atténuer l’influence !

  1. Rom. I, 21-32.
  2. Omnia sceleribus ac vitiis plena sunt ; plus committitur quam quod possit coercitione sanari. Certatur ingenti quodam nequitiæ certamine : major quotidie peccandi cupiditas, minor verecundia est. Expulso melioris æquiorisque respectu, quocumque visum est, libido se impingit ; nec furtiva jam scelera sunt : præter oculos eunt ; adeoque in publicum mtssa nequitia est, et in omnium pectoribus evaluit, ut innocentia non rara, sed nulla sit. Numquid enim singuli aut pauci rupere legem ? undique, velut signo dato, ad fas nefasque miscendum coorti sunt. (Seneca, de Ira, II, 8.) Déjà Saluste, Bell. Catil., c. 12-13, avait fait la peinture suivante des temps de la république incomparablement meilleurs : Ex divitiis juventutem luxuria atque avaritia cum superbia invasere ; rapere, consumere ; sua parvi pendere, aliena cupere ; pudorem, pudicitiam, divina atque humana promiscua, nil pensi neque moderati habere. — Sed lubido stupri, ganeæ, cæterique cultus, non minor incesserat : viros pati muliebria, mulieres pudicitiam in propatulo habere, etc.