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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Bon ! les choses se précisent. Nous disons un sergent.

— Un sergent « bleu » : c’était le nom d’une compagnie.

— De mieux en mieux. Eh bien ! mon enfant, il faut sans perdre une heure écrire à M. la Rose…

— M. Bordelais, rectifia Jean.

— À M. Bordelais, pour savoir s’il peut donner quelque indication sur les sous-officiers de cette compagnie. S’il n’en possède point, nous chercherons le capitaine « bleu ». Celui-là ne sera pas introuvable, et par lui nous arriverons enfin à notre homme.

Jean remercia vivement le baron. Très heureux du concours qui lui était offert, il écrivit sans différer au brave charpentier détenu à Mauriac…

Le jeune garçon se demandait pourquoi il n’avait pas songé à procéder de cette façon, — tout indiquée ? Il en trouva la raison dans sa préoccupation constante des actes coupables de son parent Risler, son attention se portant tout entière vers les faits et gestes compromettants du haïssable personnage.

Le lendemain matin, Jean fut très surpris et plus qu’enchanté, lorsque Maurice lui apprit que, pour fêter sa bienvenue, on leur accordait la permission d’aller tous deux au puy de Sancy. On emporterait de quoi déjeuner… Quelle fête !

Ils se mirent promptement en route. Le ciel était sans nuage. Les rayons du soleil, échauffant les pentes rocheuses, condensaient dans la vallée de légères vapeurs, qui flottaient comme des gazes nuancées de couleurs tendres. Devant le village même, à plus de trois cents mètres, s’élevait le sommet arrondi du Capucin. Les deux jeunes garçons s’amusaient fort de la gigantesque figure du moine en prière, agenouillé à l’entrée de sa grotte…

Dans la vallée, les hêtres se mêlaient aux frênes ; mais à mesure que l’on montait, ces arbres faisaient place aux sapins. Un sentier se repliait en divers sens sous leurs voûtes sombres, au milieu d’une herbe épaisse, émaillée de fleurs de toutes les saisons, et labourée, çà et là, par des éboulements de lave descendant du Capucin comme des torrents de pierre. Quelques-uns de ces blocs en supportaient un autre placé en travers, comme une table de festin se dressant au milieu d’un fouillis de grandes fougères, de framboisiers géants, et de sureaux à baies rouges…

Plus haut, les sapins se rangeaient en allées régulières, étendant sur l’herbe l’ombre épaisse de leurs parasols. Cependant quelques rayons de soleil y pénétrant, dessinaient sur le fond vert du tapis velouté de capricieuses guipures noires.