Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
176
LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

la Loire, a été démoli il y a un siècle environ ; il est remplacé par une esplanade d’où la vue embrasse un immense et magnifique panorama. À gauche, sont les bâtiments d’habitation ; à droite, la chapelle, percée de plusieurs fenêtres du style flamboyant.

Nos amis visitèrent la grande galerie, les salons, les appartements, garnis du mobilier des aïeux, la salle du conseil royal, d’autres pièces historiques tendues de tapisseries de haute lisse du temps de Charles VIII. On leur montra la chambre de Catherine de Médicis, vaste et sombre pièce située à un étage élevé, où arrivent les gémissements du vent engouffré dans une tour sonore.

Le guide assura que c’est dans cette chambre que l’astrologue Ruggieri fit apparaître, à la reine dans un miroir magique, l’image de ses trois fils qui prophétisèrent tour à tour leurs sinistres destinées.

— Quelles destinées ? demanda Jean au guide.

Celui-ci se déconcerta visiblement, et ne sut trop que répondre. M. Pascalet prit la parole.

— Les trois fils de Catherine, dit-il, furent François II, enlevé très jeune à l’affection de sa jeune épouse Marie Stuart, Charles IX qui mourut peu après la Saint-Barthélemy, et Henri III poignardé par Jacques Clément.

On raconte, poursuivit M. Pascalet, — mais des auteurs sérieux — que Ruggieri conduisit la reine mère devant un miroir magique, sans doute appliqué à la muraille qui fait face à la cheminée, à l’endroit même où nous voyons ce lit à colonnes torses : en sorte que la lumière, — une pâle lumière, d’une après-midi d’octobre, teintée par des vitraux de couleur, ne frappait le miroir que par réfraction. Dans ce miroir, où plutôt à travers ce miroir, la reine vit une salle, et le magicien l’avertit que ceux qui allaient apparaître régneraient autant d’années qu’ils feraient de fois le tour de cette salle.

» D’abord s’avança le jeune roi François II, figure triste et désolée que la reine mère eut à peine le temps d’apercevoir, tant le fantôme fut prompt à s’évanouir.

» Catherine, pâle de terreur, connut ainsi qu’avant une année entière écoulée elle devait voir mourir son fils aîné.

» Aussitôt après, se présenta le futur Charles IX, qui fit treize tours et demi et disparut, laissant sur le cristal comme un nuage sanglant.

» Ensuite le duc d’Anjou, qui devait être Henri III, fit quinze tours avant de s’arrêter.

» Et comme Henri troisième, dit le grave historien Pasquier, eut fait