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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

tones dans leur régularité. Elbeuf, vaste groupe d’usines où vivent près de quarante mille personnes — en comptant les habitants des faubourgs — offrait peu d’attraits au point de vue artistique, ou même à la simple curiosité des deux jeunes garçons. On sait que les principales fabriques de cette ville sont des manufactures de drap d’où la matière, entrée à l’état brut, sort en étoffes fort estimées, prêtes à être livrées au commerce. Elbeuf reçoit en moyenne, chaque année, des laines de toute provenance pour une valeur de cinquante millions de francs, et les réexpédie sous la forme de beaux et bons draps, avec une plus-value du double. Les fabriques de drap, ne possédant pas toutes un outillage complet, ont donné naissance dans leur voisinage à de vastes établissements où une partie du travail se fait à façon : teintureries, filatures de laine, ateliers de retordage de fils de laine et de manipulations de déchets, sècheries avec ou sans vapeur, maisons d’apprêt, etc.

Au milieu de ce mouvement industriel, Jean se montrait absolument désorienté, incapable de trouver une invention qui le mît sur la piste de l’Allemand. Barbillon ne venait guère à son secours : le petit mousse ne pensait qu’aux admonestations de la tante Pelloquet et voulait s’en retourner à Rouen.

— Je vais lui écrire à ta tante, finit par dire Jean impatienté. D’abord, j’ai besoin de toi… et je te garde.

— Mais de l’argent, pour manger ?

— Je changerai un nouveau billet de banque…

Jean était tout entier à sa recherche. Les promenades manquent dans l’intérieur de la ville ; elles se bornent aux avenues d’un champ de foire et à la chaussée qui prolonge le pont suspendu d’Elbeuf à Saint-Aubin. Les bords de la Seine et les coteaux voisins pouvaient, il est vrai, fournir aux deux camarades d’agréables buts d’excursions ; mais Jean eût considéré cela comme un gaspillage de temps. Lui et Barbillon tournaient autour des usines et des manufactures en pleine activité, ou, aux heures de sortie, se mêlaient aux ouvriers répandus dans les rues, regagnant les faubourgs. De Hans Meister par la moindre trace.

Elbeuf est traversé par un petit cours d’eau qui alimente un certain nombre de teintureries. C’est surtout vers ces teintureries que se portait l’attention de Jean : il y avait vu entrer plusieurs ouvriers alsaciens ou allemands parfaitement reconnaissables au milieu des ouvriers normands. Il se décida à aller tout seul interroger un à un les portiers de ces établissements industriels. Il apprit enfin qu’un Allemand était venu deux jours auparavant se recommander