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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Jean ne prêtait qu’une attention distraite à tout ce bavardage. Il ne pouvait se défendre de regarder partout s’il ne verrait pas son Allemand, sachant pourtant bien qu’il prenait là une peine inutile. Ce n’est qu’à Louviers qu’il pouvait espérer de le rejoindre… Aussi son cœur battit bien fort lorsqu’il aperçut enfin Louviers, que les hautes cheminées cylindriques de ses usines décelaient de loin. La jolie ville, admirablement située dans une belle et riche plaine, entourée de bois et arrosée par l’Eure, s’étendait à ses yeux ravis sur les bords de cette rivière, dont les eaux alimentent un grand nombre d’importantes usines.

Un moment après, grâce à une accalmie, la ville se dessinait nettement ; la partie vieille, bâtie en bois sur la rive gauche de l’Eure, se présentait avec ses trois ou quatre grandes rues parallèles, communiquant entre elles par une quantité de ruelles ; les quartiers neufs, édifiées en briques et en pierres de taille, forçant l’ancienne enceinte, dont il ne reste que quelques vieilles murailles, transportaient au delà, et sur les divers bras de la rivière leurs fabriques et leurs filatures aux façades régulières et presque monumentales ; des boulevards plantés de jeunes arbres formaient autour de la ville une suite de promenades ; enfin, de plus près, Jean put voir les places entourées de grands arbres, les squares et les jardins bordant les rives de l’Eure et les petits ponts jetés sur cette rivière.

On sait que Louviers est une ville fort industrielle ; il y a bien des centaines d’années qu’elle utilise l’eau de sa rivière pour le tissage de la laine et la fabrication des draps. Au quatorzième siècle, Froissart disait déjà en parlant de Louviers que c’était « une des villes de Normandie, où l’on faisait la plus grande plantée de draperies », et aussi que c’était « une ville grosse et moult marchande ». La manufacture de draperie de Louviers fut créée en 1681, par arrêt du conseil. Les trois quarts de la population de la ville, qui compte onze mille habitants, remplissent les filatures de laine, les teintureries, les tanneries, les ateliers de construction de machines, et surtout les manufactures de drap, remarquables par le bel ensemble de machines qu’elles possèdent, et connues partout par le bon marché de leurs produits. L’arrondissement renferme un grand nombre d’usines hydrauliques et à vapeur, employées pour la plupart à la filature et au tissage de la laine.

C’est au milieu de cette population industrieuse que Jean entreprit de retrouver Hans Meister.

— Où que nous allons, maintenant, mon bourgeois ? demanda à Jean le gars qui conduisait la carriole.