— Il a été presque assommé, dit Jean. Ah ! s’écria le pauvre garçon, si en échange de ma montre et de mes billets de banque, cet homme m’avait rendu ce carnet qui fournirait la preuve de l’honorabilité de mon père ! Je lui aurais pardonné même ses brutalités…
Jean avoua ensuite à la baronne que, totalement dépourvu de ressources, il était venu vers elle, pour réclamer son assistance ; en son nom et au nom de son ami.
— Je serai très heureuse, dit madame du Vergier, de pouvoir enfin faire quelque chose pour vous, Jean. J’en aurais presque des obligations à votre Allemand, tant vous avez mis d’obstination à toujours me refuser !… Mais allons d’abord conter votre affaire au baron.
Le baron du Vergier, mis au fait des événements du bois du Mont-Mal, abandonna la rédaction d’une monographie sur la maison du poète Segrais, à Caen ; il prit sa canne et son chapeau, — heureux peut-être d’avoir quelque chose d’utile et d’urgent à faire — et s’en alla déposer une plainte en règle, et donner le signalement du voleur, pour que le télégraphe le transmît au loin.
Maurice avait hâte de s’emparer de Jean. Il fut convenu avec sa mère que le petit Parisien demeurerait trois jours à Caen, et qu’il s’en retournerait ensuite par le chemin le plus direct chez son oncle Blaisot, à Paris. La baronne exigea qu’il en fût ainsi, ne voulant pas laisser plus longtemps le jeune garçon aux hasards d’une vie quelque peu aventureuse.
— Mais Barbillon ? objecta Jean.
Madame du Vergier se chargea d’aller elle-même au Bec. Elle irait le voir dès le lendemain et prendrait les mesures nécessaires pour qu’il rentrât à Rouen. « Lui auprès de sa tante, vous, Jean, auprès de votre oncle. Ah ! si tous les enfants pouvaient retrouver aussi sûrement leur famille ! »
— Vous avez fait l’impossible, mon cher enfant, ajouta-t-elle pour mener à bien votre louable entreprise. Vous n’avez pas réussi, pensez-vous ; vous vous trompez, mon enfant. Ceux qui vous ont vu agir ont pensé qu’un tel fils devait être digne d’un père honnête. Vous avez gagné l’estime et l’amitié de bien des gens. Que cela vous suffise pour le moment. Et maintenant, Maurice, je vous abandonne votre ami, je veux dire, je vous le confie. Tâchez de lui faire oublier un moment ses ennuis.
Le fils de la baronne ne trouva rien de mieux pour y parvenir que de faire à Jean ses confidences d’amoureux transi.
— Mais je sais, je sais tout, dit le Parisien ; ce que miss Kate ne m’a pas appris, je l’ai deviné. Ce journal qu’elle tenait…