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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Suis-je assez infortuné ! s’écria Maurice d’une voix dolente. Hélas ! il a été perdu dans le naufrage du Richard Wallace.

— La fille du baronnet vous a donc écrit depuis la perte du yacht ?

— Si elle m’a écrit ! Eh ! serais-je encore de ce monde ! Jean regardait Maurice avec de grands yeux étonnés.

— C’est comme cela, mon ami ; on aime ou l’on n’aime pas ; moi j’aime miss Kate à l’adoration…

Jean réfléchit un peu, et pensa qu’en effet on pouvait aimer jusqu’à l’adoration. Lui-même n’avait-il pas voué un culte, au plus profond de son cœur, à cette petite Emmeline, à peine entrevue ? Le regret de l’avoir connue pour la perdre aussitôt ne donnait-il pas de l’intensité à tous ses autres chagrins ?

— Oui, oui, je comprends, murmura-t-il.

— Mon amour, reprit Maurice, est un amour malheureux. Sir William Tavistock ne veut pas d’un Français pour gendre.

— Miss Kate me l’a dit.

— Elle connaît si bien l’entêtement du baronnet ! s’écria Maurice. Et voilà ce qui fait mon désespoir. Oh ! père aveugle ! Il me semble pourtant, ajouta-t-il avec une plaisante fatuité, que pour un Français, on n’est pas plus mal tourné que son autre gendre Henry ?

Le fait est que Maurice du Vergier était un très gracieux jeune homme. « Garçons de Caen, filles de Bayeux », dit un proverbe normand. Maurice ne faisait pas mentir le proverbe.