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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/439

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

des cordes roulées, une hache, un sac de pommes de terre, un chaudron, une livre de chandelles des douze proprement suspendues en paquet par leurs mèches, des brosses et un pot de cirage, etc.

La muraille faisant face à la cheminée était occupée par un rayon de sapin, où était la bibliothèque du marin, — quelques almanachs et recueils de chansons — se mêlaient agréablement avec une boîte à cigares, un porte-montre, un encrier, un paquet d’allumettes, une pelotte avec aiguilles et dé, de vieux morceaux de drap soigneusement roulés… Au-dessous, plusieurs pipes étaient disposées sur des crochets. Ça et là, à des clous, quelques vieux chapeaux, une vareuse, un pantalon de toile cirée…

Du reste, l’indication de quelques soins au milieu de ce désordre, découlant d’un vif désir de tout « arrimer » à sa place avec l’ordre qui règne à bord d’un navire bien commandé.

Il était facile aussi de reconnaître que chaque matin le propriétaire du local « lavait le pont » avec la régularité apportée à sa propre toilette.

Le perroquet gris et rouge fut gratifié d’une noix, — bien qu’il avouât avoir déjeuné.

En ce moment on frappa à la porte.

Le maître de céans se leva et alla ouvrir.

— Foi de Dieu ! s’écria-t-il, c’est mon petit Parisien !

C’était Jean, en effet, qui remplissait la promesse faite au père Vent-Debout. Il entra, léger de bagage.

— Veine ! fit-il ; cette fois c’est bien votre porte, mon brave Vent-Debout. Et il sauta au cou du vieux marin, dont le visage basané s’épanouit de satisfaction.

— C’est être de parole ! dit-il.

— Je vous l’avais bien promis, de venir.

— Il n’est pas facile, mon garçon de s’orienter dans le Courgain, pas vrai ? C’est un vieux quartier de Calais abandonné aux marins et aux pêcheurs, l’emplacement d’un ancien bastion, comme tu as pu voir par le fossé qui nous sépare de la ville et qui est à sec à marée basse, ainsi que par l’enceinte percée de meurtrières.

— En voilà des ruelles ! fit Jean. Il y a des endroits où l’on pourrait se mettre à la nage… si on n’était pas dégoûté.

— C’est les femmes, ces satanées commères qui laissent couler l’eau de leurs lessives, s’écria le pilote. Une vraie mer, quoi ! avec des amas de cendres formant des îlots couverts de forêts de poireaux, de flambes de carottes