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XV

Une ancienne connaissance.

— As-tu déjeuné, Jacquot ?

— Oui, oui, oui !

Ce court dialogue avait lieu entre un marin de notre connaissance et un superbe perroquet gris et rouge, l’aîné de la famille du vieux loup de mer ; un chat noir éborgné en était le Benjamin.

Ce chat, que son maître appelait l’Amiral, trônait dans cet intérieur tout maritime, allant de la table à la grande caisse qui, avec quelques escabeaux, constituaient le principal du mobilier. Il eut sans doute préféré le lit ; mais c’était un hamac suspendu au plafond et descendu seulement le soir. Comme pendant à cette couche, faite pour rappeler la vie de bord, un chef-d’œuvre de patience ornait ledit plafond, — un modèle de frégate en bois, en liège, avec ses mâts, ses voiles et ses cordages, sorti des mains patientes du marin. Dans un coin, un fourneau de fonte, avec des « cocottes » de fonte imbibées de graisse et, par-dessous, un amas croulant de charbon de terre, rappelait la primitive installation culinaire à laquelle préside tout maître-coq ; la cheminée, — la véritable cheminée de cette salle basse, ne semblait là que pour recevoir sur sa tablette plusieurs grands coquillages, un quart de cercle et quelques bouteilles de spiritueux, et offrir sur son manteau des enluminures d’une médiocre valeur artistique, représentant l’héroïsme du Vengeur, le naufrage de la Méduse, un portrait de Duguay-Trouin, et Jean Bart à la cour avec cette légende : « Moi, sire le roi, je suis votre matelot à mort ! »

On n’allumait jamais de feu dans cette cheminée, dont le foyer demeurait encombré de toutes sortes d’objets : un tonneau en vidange sur son chevalet,