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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/542

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

temps de déjeuner, dès neuf heures du matin, Jean et son ami se dirigèrent vers la fosse désignée.

L’ouverture d’un puits de mine, bordée d’un treillage de fortes solives, — chemin du travail pour un grand nombre et de la fortune pour quelques-uns — est abritée d’ordinaire par une construction légère, mais haute et vaste, avec de grandes parties vitrées. C’est là que sont installés les appareils moteurs, les câbles, la roue colossale, servant à mettre en mouvement la benne qui descend et remonte les ouvriers, et qui amène le charbon à fleur de terre.

La vapeur siffle, les fourneaux ronflent, rouages et pistons sont en jeu ; les wagonnets roulent sur les rails. Tous ces bruits se confondent avec le froissement des chaînes destinées à la manœuvre de la benne ou la vibration des cordes d’aloès plus solides encore que les chaînes, et ayant le même emploi.

Non loin de là, fonctionnent bruyamment de puissantes machines qui appellent l’air et le refoulent jusqu’au fond de la fosse pour y maintenir une atmosphère respirable.

Les pompes d’épuisement alimentent de leurs eaux bourbeuses un ruisseau qui s’en va se perdre dans les champs…

Une poudre noire envahit tout ; noir est le sol environnant la grande bâtisse de briques, noirs les sentiers qui conduisent aux amas réguliers de houille dont certains morceaux taillés à vive arête, jettent des scintillements d’escarboucles ; le pied y pulvérise partout des débris de charbon ; noir également le ciel obscurci par la fumée ; noirs les mineurs, hommes, femmes, jeunes filles, garçonnets, — gens humbles sous leur pauvre tenue de travail, un peu affaissés, portant la marque d’une existence qui a été celle de plusieurs générations parmi leurs ascendants — ce qui n’empêche pas les filles rieuses de montrer de belles dents, et, sous le hâle du charbonnage, des yeux pleins d’éclat. Chez nous, les femmes, on l’a déjà vu ne sont pas occupées au travail de fond, comme en Belgique ou ailleurs.

Tout en faisant nombre de remarques, Jean avait pris place dans la benne à côté de Quentin et d’un ami de Quentin, — un tout jeune homme, fils d’un mineur, devenu par son application commis aux écritures. Il devait leur servir de guide. Se trouvaient là également, prêts à descendre, plusieurs porions ou contre maîtres et quelques mineurs de la « coupe de jour, » qui s’en allaient rejoindre « le trait » ou l’escouade dont ils faisaient partie. Armés de leurs pics, ils s’étaient accroupis. La cloche sonna, un fracas de