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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/85

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

et son compère faisaient, dans leurs tournées, élection de domicile en cet endroit. On semblait les y tenir en parfaite estime. Quelqu’un qui les avait rencontrés faisant des achats dans les fromageries des côtes voisines, avait été chargé d’annoncer leur arrivée vers le soir.

Bordelais la Rose et « mon canard » avaient appris cela tout de suite et s’étaient résignés à attendre. Assis sous une tonnelle, ils faisaient plus ample connaissance en vidant quelques verres de vieux vin.

Jean décida de les surprendre par sa brusque apparition au moment opportun. Il entreprit de faire le tour de la ville. Ce ne fut pas long. En un quart d’heure il eut examiné ce qui subsiste encore des diverses enceintes concentriques fortifiées. Parvenu à la place centrale, il fut fort surpris de voir jaillir une eau abondante de la fontaine qui en fait le principal ornement — à cette hauteur ! Tournant sur lui-même comme une toupie, sa vivacité naturelle aidant, le petit Parisien se trouva en quelques minutes à la promenade de Barrouze, plantée de quelques arbres et bordée des plus vieilles maisons de la ville, les unes gothiques à portes et fenêtres ogivales, les autres romanes, rcconnaissables à leurs ouvertures en arc surbaissé, avec moulures et colonettes.

Cette rue de Barrouze aboutit à une terrasse qui s’avance au-dessus d’un précipice, soutenue par un mur d’appui très épais. Une ou deux douzaines de tilleuls ombragent cette terrasse : c’est la promenade des paisibles habitants de Salers. On y jouit, du reste, d’une très belle vue, ce que Jean vérifia tout de suite. Mais il devait payer cher ce régal des yeux.

Au-dessous de la ville s’étendait la vallée de la Maronne, diaprée de bois, de prairies, d’eaux vives, de vergers et de hameaux ; à six kilomètres sur la gauche de la ville, s’étageaient les croupes arrondies du puy Violent, couvertes de pâturages ; en face s’ouvraient, comme trois avenues conduisant au cœur même des montagnes, les vallons de Malrieu et de Vielmur, retentissant de l’écoulement des cascades, et la romantique vallée de l’Aspre qui recèle dans ses gorges des sites d’une merveilleuse beauté.

Jean, accoudé au parapet, fouillait du regard les campagnes voisines et s’arrêtait de préférence sur la jolie bourgade de Fontanges, à l’entrée de la vallée de l’Aspre. Le soleil un peu descendu à l’horizon éclairait, en les détaillant, ses promenades, son église, ses riantes habitations, et donnait du relief à l’énorme roche envahie par le lierre et la mousse, où gisent les ruines d’un château qui a appartenu à la famille de la célèbre duchesse de Fontanges.

Il regardait ; et peu à peu son attention se fixa obstinément sur un cabriolet