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LES AVENTURIERS DE LA MER


À un moment, il y eut de véritables flottilles de bateaux montés par ces singuliers spéculateurs. C’est au point que des plaintes furent exposées au gouvernement britannique par divers gouvernements. Les hovellers rôdaient sans cesse dans le voisinage des bancs pour épier les navires, les sauver de gré ou de force d’un péril parfois imaginaire, et rançonner ensuite les armateurs à la faveur d’une législation qui mettait ces derniers à leur discrétion. L’opinion publique s’émut ; le gouvernement français fut assailli de plaintes élevées par les armateurs, souvent victimes d’extorsions et de violences.

Dans cette transformation anglaise du naufrageur, il ne faut voir que le dernier vestige de mœurs maritimes d’une autre époque. Nos voisins ont montré par le zèle qu’ils ont mis dans l’adoption et le développement des institutions de sauvetage, qu’ils pouvaient aussi, et avec bien plus d’ardeur, se porter vers le bien ; et de nombreuses brigades de sauveteurs donnent chaque jour des preuves d’un entier dévouement et du désintéressement le plus absolu.

Dans les mers du Nord, les mêmes coutumes, restes des siècles de barbarie, se perpétuèrent jusqu’en ce siècle. Le jurisconsulte Valin nous apprend que, dans certaines parties de l’Allemagne, on priait Dieu publiquement pour qu’il y eût beaucoup d’échouements sur les côtes. En 1721, dans les églises protestantes de l’électorat de Hanovre, lorsque la tempête battait le littoral, on faisait des prières publiques pour demander au ciel que les marchandises et les autres effets des vaisseaux faisant naufrage fussent jetés sur les côtes de l’électorat plutôt qu’ailleurs.

Sur un rivage africain, mais colonisé, au Cap, le pillage des épaves s’est pratiqué en grand, s’il faut en juger par ce que nous raconte Sparrmann dans son Voyage au cap de Bonne-Espérance : « Le 1er juin 1763, le navire le Yong-Thomas, qui était demeuré dans la baie de la Table jusqu’après le commencement de la saison des tempêtes, fut chassé sur le rivage de Zout-Rivier, vers le nord du fort. Dès le matin, aussitôt après cet événement, le gouvernement fit publier la défense à toutes personnes, sous peine de mort, d’approcher même de loin de ce malheureux rivage. Pour donner plus de poids et d’efficacité à leur défense, ses agents avaient, avec une égale promptitude, fait élever des gibets et posté des troupes de tous les côtés. Toutes ces précautions tendaient à empêcher que les marchandises naufragées qui pourraient être jetées sur le rivage ne fussent volées ; mais aucune n’avait pour but de sauver l’équipage. »